Affaire Mila. Entre fuite des lâches et triomphe de la peur, un silence honteux.

Elle s'appelle Mila. Elle a 16 ans. Elle a les cheveux violets et elle est lesbienne.
Mila a 16 ans. Elle est au lycée à Lyon. Elle a un compte Instagram sur lequel, comme c'est le principe même de ce réseau social, elle publie des vidéos et des photos.
Le week-end dernier, Mila s'est lourdement faite draguer par un gros lourd. 
Mila le recadre et reçoit en retour des insultes de la part du gros lourd éconduit, à base de "sale pute" (classique), "sale gouine" (classique aussi), "sale française" (re-classique again). 

Un combo raciste, homophobe et sexiste. 

Le tiercé gagnant du gros con sur internet.
On en a toutes fait les frais.

Mila n'en reste pas là. Elle décide de répondre aux insultes ad hominem par une vidéo postée en story dans laquelle elle s'en prend aux religions, et plus particulièrement à l'islam, qu'elle qualifie, en substance, de religion de merde, et Allah d'amateur de toucher rectal.
En gros hein. Si tu veux le détail, Google est ton ami.

Il n'en fallait pas plus pour déclencher une vague de tweets, posts Facebook, messages privés, snaps, d'insultes, de menaces de mort, d'appels au viol, un déferlement inouï de haine venu des quatre coins du web mais qui n'ont qu'une seule cible : Mila, celle qui insulte l'islam, la blasphématrice qui mérite de mourir en enfer après avoir reçu une bonne correction physique (au hasard : le viol). Et histoire de s'assurer qu'elle reçoive bien ce qu'elle mérite, l'adresse de son lycée est balancée sur les réseaux.

Le premier média à relayer cette affaire, mardi dernier, est Bellica. Un site d'extrême-droite apparenté à Némésis, tous deux soit-disant féministes, mais féministes d'extrême-droite. En gros, les seuls coupables de l'inégalité des droits qui règnent entre les femmes et les hommes et des violences sexistes et sexuelles dont elles sont victimes, sont les étrangers, les immigrés, les musulmans. En synthèse.

Connectée sur Twitter, mercredi, au moment où je découvre le hahstag en TT #JeSuisMila, je publie un message pour lui apporter tout mon soutien. Partant du principe qu'aucune femme, quels que soient ses opinions politiques et ses engagements militants, n'ait à subir un tel harcèlement soigneusement organisé par une meute haineuse, sexiste, homophobe et menaçante, j'attends que d'autres messages de soutien lui parviennent de responsables politiques, des associations de défense des droits des personnes LGBTQIA+...etc.

Une heure passe, puis deux heures. Puis trois.
Marine Le Pen a dégainé très vite.

La journée passe et Têtu sort enfin du bois en publiant un article dans l'après-midi du mercredi.
Le même jour, Charlie sort la meilleure synthèse possible sur le silence honteux des "lâches".
La gauche est en randonnée pédestre, les assos LGBT à la piscine, les assos anti-racistes ont poney, les institutions religieuses sont la tête dans le sable sauf le CFCM qui n'a rien trouvé de mieux à dire qu'elle l'avait bien cherché et que les violences qu'elle subit, elle les a bien méritées. Dont acte. Les identitaires et l'extrême-droite boivent du petit lait. 

Et la boucle est bouclée.

Nous sommes dimanche et, à part le communiqué de la Gauche Républicaine et Socialiste publié avant-hier, ainsi que celui du Parti Radical de Gauche (qui est de gauche un jour sur deux les années bissextiles), je n'ai rien vu passer du côté de "ma" famille politique. 
À croire qu'ils sont tous partis en rando au fin fond d'une zone rurale traversée par une fracture numérique, et qu'ils ne m'ont même pas invitée...

Un silence honteux

Charlie Hebdo parle de "fuite des lâches".
Richard Malka de "triomphe de la peur".

Et pour couronner le tout, Mila est désormais la cible d'une enquête du Parquet pour incitation à la haine raciale.
Comme si l'islam était une "race".
Comme si on n'avait définitivement plus le droit de critiquer les religions.
Comme si le blasphème était de nouveau interdit.
Comme si l'émotion était à géométrie variable selon qu'il s'agisse de l'islam, du catholicisme ou du judaïsme.
Comme si la souffrance d'une jeune femme blanche de 16 ans, lesbienne aux cheveux violets, avait moins de valeur que d'autres.

Je te crois. Je te soutiens.

Quand on milite pour les droits des femmes, pour leur défense et contre les violences dont elles sont victimes, on apprend à croire. Croire la parole des femmes. Commencer par croire. C'est la première chose à faire.
Hashtag #JeTeCrois.

Nous sommes dimanche 26 janvier et je n'ai que trop peu entendu, vu, lu de messages de soutien à Mila de la par de nos responsables politiques, de la part de ma famille famille politique, de la part des assos sensées la défendre.

Entre fuite des lâches et triomphe de la peur, il y a surtout un silence honteux.


Vous aimerez aussi

4 commentaires

  1. Je suis sincèrement désolé si cela déclenche chez vous une brusque crise d'angoisse, mais je dois tout de même vous le dire : je trouve votre billet absolument impeccable.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas de crise d’angoisse puisque comme je vous l’ai déjà dit plusieurs fois: vous êtes tellement prévisible...

      Supprimer
  2. Merci pour ta réaction, pour ton rappel aux devoirs élémentaires de tous ceux qui se réclament du socialisme, de la gauche et au moins de la République !!

    RépondreSupprimer