Confinement. Episode 21. L'impatience


J'en ai marre. J'ai envie de sortir, de voir les ami-e-s, de voir ma mère, ma sœur, mes neveux, de te voir, toi, lui, elle, eux là-bas. Je pratique la méthode Coué. En l'écrivant et en le rabâchant, je me dis que l'envie va passer et que je vais tenir bon. En l'écrivant et en le rabâchant pendant 3 heures, j'aurai peut-être le sentiment d'être allée les voir pendant 3 heures.

Se voir. Se parler. Se toucher. En vrai.

Les gens s'impatientent et c'est bien normal. Quand bien même l'immense majorité des gens respecte le confinement, les gestes barrières, la distanciation sociale, il m'est de plus en plus difficile de blâmer celles et ceux qui boivent l'apéro sur le trottoir avec leurs voisins, certes à deux mètres les uns des autres, mais qui, à priori, n'ont pas coché la case "apéro" sur l'attestation dérogatoire de sortie.
Il m'est de plus en plus difficile de taxer d'irresponsables celles et ceux qui se sont confiné-e-s loin, dans leur maison de famille, avec leurs parents, à la campagne plutôt qu'en ville.
Comment en vouloir à celles et ceux qui sont seul-e-s d'aller s'asseoir sur un banc ou parterre sur le trottoir d'en face, juste pour papoter ?
Comment pointer du doigt celles et ceux, confiné-e-s avec un mari ou une femme qu'ils n'aiment plus, qu'ils avaient prévu de quitter et que le confinement a enfermés ensemble, qui sortent 3 fois, 4 fois par jour, pendant une heure, marcher, juste pour, marcher et trouver de l'intimité dehors ?
Je ne peux pas en vouloir à celles et ceux qui veulent voir leur mère ou leur père, coincé dans un Ehpad quand on voit, quand on lit, quand on entend tous les jours ce qu'il s'y passe, d'abord dans un silence et une indifférence honteuse, ensuite dans une réalité qui nous explose au visage tant c'est dramatique.
Alors même que le président a annoncé que les visites pourraient reprendre, nombre de directions d'établissements appliquent le principe de précaution en se protégeant eux-mêmes au nom d'un risque qui perdure pour empêcher la reprise des visites, même avec tous les gestes barrière de la terre.
Que répondre à une femme, atteinte de troubles neurologiques, qui réclame à cor et a cri son mari, sa fille, ses petits-enfants, alors même qu'elle n'est pas malade du Covid et qu'elle pourrait tout à fait les voir en vrai en respectant la distanciation sociale?
Quid de la dégradation psychique et morale de ces hommes et de ces femmes qui sont seul-e-s, confiné-e-s dans leur chambre, à compter les heures qui passent, comme nous, insomniaques, comptons des moutons?
Dans quel état ces fils et ces filles vont retrouver leurs parents après tout ça ?
Peut-on humainement et raisonnablement leur en vouloir d'attendre le 11 mai comme un nouveau départ pour traverser une, voire deux, voire trois régions pour aller retrouver leurs parents ou leurs grands-parents ?
Répondre à l'émotionnel par le rationnel n'est pas la solution.
Cela ne fonctionne pas, tout le monde sait ça.
Quand une attestation de sortie dérogatoire est possible pour aller acheter le pain, pourquoi ne pas en proposer une pour rendre visite à nos aîné-e-s en Ehpad ?
Quant on sait que, dès le 11 mai, on va pouvoir aller se faire coiffer, tailler la barbe, se faire épiler, comment peut-on accepter, rationnellement, que, oui, on pourra aller se faire épiler mais on ne pourra pas aller voir sa mère qu'on n'a pas vue depuis plus de 6 semaines, et qui diminue chaque jour un peu plus à cause de l'isolement, du silence et de l'absence de ceux qu'elle aime ?
Comment expliquer à une mère ou à un père qui n'a plus toute sa tête (et je le dis avec d'autant plus d'empathie que c'était le cas de ma grand-mère quand elle nous a quittés l'année dernière), que le seul moyen de voir ses enfants ou ses petits-enfants, c'est par "visio", à travers un écran, alors même que son usage de la parole est aléatoire, voire inexistant ?

Communication kamoulox

La kamoulox de la rentrée scolaire déconfinée, annoncée trop tôt par un Jean-Michel Blanquer contredit quelques jours plus tard part le Premier Ministre, a drainé dans son sillage une flopée d'incompréhensions bien légitimes.
Non seulement on ne sait plus quel jour on est (ma cheffe vient de déposer le concept de "merdanche", je trouve ça parfait), mais plus personne ne comprend rien aux annonces gouvernementales. D'où qu'elles viennent, quel que soit celui ou celle qui prend la parole, il ou elle est contredit dans les heures, les jours qui suivent. Du déconfinement par région à la rentrée scolaire par étape, puis par groupe, puis sur la base du volontariat, en passant par l'obligation, ou pas, de porter des masques dans les lieux publics, ou pas, uniquement dans les transports, ou pas, bienheureux-se celui ou celle qui connaît la réponse et qui comprend quelque chose à la parole gouvernementale.
Il y a plus d'une semaine, Emmanuel Macron annonce un plan détaillé de déconfinement pour "dans quinze jours" (donc ce week-end, celui du 25 avril). Une semaine après, Edouard Philippe dit qu'il reviendra vers nous dans 15 jours (donc le week-end suivant, celui du 2 mai).
Moralité, ils ont toutes et tous trop parlé, pour dire tout et son contraire, tout et n'importe quoi, trop tôt, et au mauvais moment.
La communication gouvernementale est lamentable.
Parce que quand Emmanuel Macron dit "rendez-vous dans 15 jours" et bien c'est "rendez-vous dans 15 jours" et en attendant, chacun-e bosse sur ses plans et se tait. C'est pas genre "OK il a dit dans quinze jours, ça nous laisse du temps pour occuper l'espace médiatique et réfléchir tout haut en direct sur les chaîne d'infos continues les plus regardées et les plus écoutées de France".
Que n'aurions-nous pas entendu si la com gouvermentale avait à ce point merdé sous Hollande ! Et elle a merdé hein ! Attention, je suis loin de dire que ce ne fut pas le cas. Mais pas dans ces proportions-là. Là, on marche sur la tête. Alors je vois d'ici poindre la répartie qui tue: "Ouais mais bon, on n'était pas dans une crise sanitaire hein". Alors non en fait, on n'était pas dans une crise sanitaire, on s'est juste pris sur la tronche les attentats les plus graves de notre histoire. Et la question n'est pas de savoir quoi des attentats ou de la crise sanitaire est le plus grave. La question c'est de savoir si on sait, oui ou non, gérer une communication de crise. Et bien la réponse est claire : non, ils ne savent pas. Aussi brillants puissent-ils être, leur communication merde de bout en bout.
À tel point - apprend-on dans Le Canard Enchaîné de cette semaine - qu'Edouard Philippe a passé la semaine à recadrer ses ministres.

Rêver. Ou pas.

Hier, ou avant-hier je ne sais plus, ça devait être mercredredi, j'ai lu un article dans Le Figaro qui parlait des rêves, des cauchemars, des nuits bousculées, chahutées, raccourcies, du sommeil confus et agité qui peuvent se manifester pendant cette période de confinement durant laquelle notre rythme quotidien habituel est contrarié.
Je n'y ai rien appris. Pour la simple et bonne raison que, toutes les 5 lignes, l'article rappelait que la signification des rêves et leur interprétation, bien que sujet fort vendeur depuis des siècles, n'avait jamais donné lieu à des résultats consensuels. 
Autrement dit, il n'est toujours pas prouvé que rêver qu'on perd ses dents, ou qu'on a la mâchoire serrée en permanence, est synonyme de deuil dans l'entourage et la famille. J'en suis l'illustration parfaite car si tel était le cas, ma famille aurait été décimée pendant mon adolescence.
Mais ça ne m'empêche pas d'être fascinée par les rêves. Et je m'en souviens souvent. Disons que sur sept nuits que compte une semaine, je me rappelle des rêves d'au moins trois nuits.
Je sens que je t'ai perdu. Revenons à ce fameux article.
Je suis justement tombée dessus après un rêve dans lequel je serrais la main de quelqu'un tout en lui disant que, finalement comme on se connaît un peu, pourquoi ne pas nous faire la bise ? Et hop, on se fait la bise tout en se tenant la main.
Et je ne me souviens que de ça. Et je suis prête à parier que dans un contexte "normal", je ne me serais jamais souvenu de ce rêve totalement insignifiant. J'en ai fait un tweet parce que c'est le principe, faire des tweets insignifiants, ça occupe aussi un peu.
Eh bien, tu me croiras ou non, une journaliste de Society qui prépare un papier sur la bise, m'a contactée pour parler de ce rêve.
Et notre conversation s'est achevée ainsi :

Vivement la revanche de la bise !

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19 commentaires

  1. A propos des visites en Ephad, les règles ont changé cette semaine : ils peuvent fournir des attestations aux parents pour qu’ils puissent venir voir les vieux de loin. C’est l’Ephad de l’ex belle mère de ma sœur qui l’a appelée cette semaine pour lui dire (son ex étant à l’étranger, la sœur s’occupe du suivi administratif(.

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    1. Ça dépend des Ehpad hélas. Ma meilleure amie se voit toujours refuser la visite à sa mère au nom du principe de précaution...
      (Enfin c’est pas dit comme ça hein mais plutôt « les conditions ne sont pas réunies, on va s’organiser et on vous tient au courant ».

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    2. Mais c’est une bonne nouvelle pour toi du coup ?

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    3. Que ma sœur puisse se farcir 300 km pour voir la mère de son ex ? ;-)

      Plus sérieusement, la maison de retraite de ma mère met en place des moyens pour pouvoir visiter comme devraient le faire toutes les boutiques (sauf celle qui concerne ta copine, visiblement) mais on s’en fout (elle habite au premier étage et je pourrai papoter avec elle par la fenêtre).

      Mais pour être précis, seuls les Ephad peuvent diffuser des documents autorisant les déplacements de longue distance pour les visites.

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  2. Le neutre dans notre langue ? Et la typographie fait un peu partie de la langue et tu la massacre régulièrement. Là, tu as oublié des virgules.

    Bon. La taulière VA NOUS DEMANDER DE NOUS ARRÊTER.

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  3. Ah mais on sait que tu sais mettre de l’italique dans les commentaires. Mais elles doivent être sans italique mais entre parenthèse. L’italique doit être réservé à la citation de ce repos dans une autre langue. Les citations sont à mettre entre guillemets. Cela étant, tu n’as pas répondu à mes propos sur le neutre et la taulière ne va va pas tarder à écrire en majuscules.

    hips !

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  4. c'est vrai que les tortellini se sentent plus proche des chinois puisque c'est les premiers qui se sont pris dans le cul le virus à Xin-jing-truc. la route de la soie, ça pourrait même faire un bon titre de film de boule !

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    1. https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/23/malgre-l-inquietude-de-bruxelles-l-italie-rejoint-les-nouvelles-routes-de-la-soie-de-pekin_5440367_3234.html

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  5. Franchement... si mon écriture inclusive vous fait saigner les yeux, allez donc lire ailleurs.
    Je n’ai pas à découvrir le neutre. Je le connais.
    Mais il n’est pas toujours adapté à certains propos.
    C’est bon. Faut changer de disque. Ce blog existe depuis 2012. Il est en inclusif depuis 8 ans. Je ne vais pas passer en 100% neutre demain.
    Faites vous une raison ou changez de crémerie.

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  6. Vous ne discutez pas. Enfin si, tout seul semble-t-il.

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  7. Je suis retombé sur ton billet dans mon agregateur de flux alors que j’avais commenté de diffusion dans les réseaux sociaux j’ai relu le début pour voir si je ne trompais pas. Ton introduction m’a rappelé un détail : ma concierge (j’ai discuté avec elle ce matin, j’en ai Paule dans le blog) m’a dit le mal qu’elle avait à ne pas voir sa petite fille de huit mois.

    Je vais finir guimauve.

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  8. Ah ben tu comprendras, taulière, pourquoi je me suis engueulé avec cet imbécile là semaine dernière. Il y a deux solutions. Soit tu l’ignores, soit je te vire de ma bloguerolle. La meilleure solution est de l’ignorer. Il finit par réfléchir et par faire des commentaires assez peu cons. Et pourtant il est.

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  9. Fredi, votre obsession contre l'écriture dite "inclusive" devient absurde : vous devriez tout de même comprendre que, comme toute aberration, celle-ci est destinée à faire trois p'tits tours avant de disparaître sans laisser la moindre trace, y compris dans les mémoires, ainsi que l'ont fait quantité d'autres coups de folie passagers avant elle. Donc, soyez sage, laissez ses partisans "incuber" le temps qui sera nécessaire, et un beau matin, comme par enchantement, vous les retrouverez guéris.

    De mon côté, je suis assez tranquille : il paraît que, quand on est fumeur, on est protégé de l'écriture inclusive.

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