Confinement. Episode 25. Ci-gît la com' gouvernementale

Quand on s'est quittés avant-hier, je vous faisais part de mon soulagement d'avoir retrouvé Sibeth Ndiaye. Elle venait de nous présenter en grande pompe le lancement d'un service anti fake news piloté par le Gouvernement, Désinfox Coronavirus.
Rien que ça.
Il aura fallu être rapide pour mesurer l'ampleur de cette idée de génie car on apprend à l'instant que suite au tollé qu'elle a suscité, cette rubrique vient d'être supprimée du site du Gouvernement.

RIP Désinfox Coronavirus. Petit ange parti trop tôt.

L'ambition était audacieuse : cette rubrique avait pour vocation de nous donner "accès aux articles de médias français luttant, dans le cadre de la crise sanitaire, contre la désinformation". Le retour de l'information d'Etat. Le retour de l'ORTF. La Pravda à la sauce macroniste. 
Détendu de la com', le Gouvernement se voyait en grand curateur de l'information, distribuant bons et mauvais points aux médias français, selon la qualité de l'information - ou de la désinformation - qu'ils diffusaient. Il fallait oser. Ils ont osé. Cela dit, ils auraient eu tort de se priver. Qui ne tente rien n'a rien. Ça aurait peut-être pu passer. Mais ça a foiré.
Encore une initiative malheureuse de l'équipe de bras cassés qui nous dirige.
Dans les heures qui ont suivi, tous les médias, syndicats de journalistes et sociétés de rédactions, se sont tous fendu de communiqués de presse, de réactions, d'interventions dans les médias, de tweets, de posts Facebook pour dénoncer cette ambition affichée du Gouvernement de se faire l'arbitre de l'information.

En distinguant tel ou tel article sur son site Internet, le gouvernement donne l’impression, dans un mélange des genres délétère, de labelliser la production de certains médias.

Patatras, la sentence est tombée. Présenté par Sibeth Ndiaye, c'est finalement Franck Riester (Franck qui?) qui annonce sa suppression à l'AFP. Voilà une affaire rondement menée.

Le gouvernement a décidé de supprimer de son site internet le service "désinfox coronavirus", qui recensait des articles de "fact-checking" de certains médias à propos du Covid-19, et qui était fortement critiqué au sein des rédactions , a annoncé mardi le ministre de la Culture, Franck Riester.
Cette initiative (émanant du Service d'information du gouvernement, SIG)"ne représentait évidemment pas un objectif de tri d'articles ou d'informations, pour autant je peux comprendre les inquiétudes qui ont été suscitées par ce service dans les rédactions", a  déclaré le ministre, ajoutant que l'exécutif avait dès lors "pris la décision de retirer cette page du site du gouvernement" (source)

Des génies, on vous dit.

Dans la série des idées de génie, on a aussi eu droit ce matin à un grand moment d'information télévisuelle avec un reportage en direct dans une école primaire de Poissy, en mode "regardez comme ça fonctionne bien la distanciation sociale. Qu'est-ce que vous nous faites chier à pousser des cris d'orfraie pour dire que lundi 11 mai, la réouverture des écoles est impossible?"
Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer, masqués avec un masque en tissu façon CHU de Grenoble (donc pas aux normes AFNOR) arrivent dans la classe. 8 élèves. On entend des petites voix "C'est quiiiiii?". Emmanuel Macron retire son masque quelques secondes. Pas sûre que les enfants l'aient reconnu, mais qu'importe. S'ensuit alors une séquence d'une gêne absolue constituée d'un dialogue entre Emmanuel Macron et les enfants :

Premier grand moment
Et tes parents, ils travaillent?"
"Oui. Ma maman est infirmière et mon papa il aide les personnes âgées."
"Et ça va? C’est pas trop dur?"
...
"Et les gestes barrières? Tu les connais, les gestes barrières?
Second grand moment
Le Président - "Tu connais des gens qui ont eu le Covid-19 ?"
L'enfant - "Oui, un chanteur."
Le Président - "Et il va mieux maintenant ?"
L'enfant - "Non, il est mort."
Le Président - "Oula" (Source)

Instant gênance absolue

L'enfant répond qu'il les connaît par cœur. Et en effet, il les connaît par cœur.  Le Professeur Macron semblait satisfait. Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Jean-Michel Blanquer d’entamer le dialogue avec un enfant, intimidé et c'est bien normal, qui a bien du mal à répondre au Ministre, non parce qu'il ne sait pas répondre mais parce qu'on sent bien qu'il est impressionné.
Cette séquence fut l’une des plus malaisantes que j’ai vues depuis longtemps.
J’ai par ailleurs toujours détesté ces opérations de com’ mettant en scène des enfants impressionnés et timides avec des élus ou des dirigeants politique froids et flippants.
Un ministre et un président qui interrogent des enfants dans le seul but de diffuser un message sanitaire et faire une opération de com', distribuent des bons points, sont gênés aux entournures face aux silences interloqués des enfants...
La seule cohérence de cette séquence avec toute celle que l'on vit depuis des semaines, c'est qu'Emmanuel Macron poursuit sa com' infantilisante car, à travers les enfants, c'est tous les Français-es qu'il vise. Celles et ceux qui seront puni-e-s si on ne déconfine pas le 11 mai. Celles et ceux qui seront les seuls responsables si le nombre de malades repart à la hausse. Nous.

Et maintenant... Le chantage !

Toute la com' étant en roue libre, Cédric O, Secrétaire d'Etat au numérique, a lui aussi lâché les ballons.
Il y est allé de son petit chantage aux morts. Carrément. Cela dit, lui aussi, il a raison d'essayer. Au point où ils en sont avec leur usine à gaz bluetooth, ils n'ont plus grand chose à perdre. Extrait:

Il faut «tout faire pour couper les 'départs de feu' le plus rapidement possible, y compris en utilisant des outils numériques comme 'StopCovid', dans des conditions très encadrées et proportionnées». Chacun pourra évidemment «refuser ces outils pour des raisons philosophiques» , mais cela reviendrait «dans ce cas» à «accepter un risque significatif de malades et de morts supplémentaires», prévient-il. (Le Figaro)

Vous avez bien lu. Vous, nous, les gens, à fort potentiel d'irresponsabilité, d'immaturité et d'inconscience, on est libres d'utiliser ou non cette application, mais si on ne l'utilise pas, on devra en accepter les conséquences : des morts supplémentaires.
Autrement dit, on sera non seulement responsables, mais un peu coupables aussi.

Heureusement que je suis en vacances pour me changer les idées après avoir lu, entendu, vu tous ces bullshits déferler en rafale dans ma radio, dans les journaux, dans ma télé.

D'ailleurs, en parlant de vacances, je dois vous laisser, c'est l'heure de l'apéro et j'ai des potatoes au four. Heureusement qu'il n'y a pas que la politique dans la vie.

À la vôtre !

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