Confinement. Episode 27. J-1 avant l'à-peu-près déconfinement... ou pas

J'aurais aussi pu intituler ce billet "55ème jour de confinement. Episode 27. J-1 avant le déconfinement", mais ma passion pour les chiffres étant ce qu'elle est, ça pique déjà suffisamment les yeux comme ça.
Tout le monde y va de son petit bilan.
Alors ? Ces 55 jours de confinement, c'était comment?
C'était relou ouais.
Mais tu sais quoi? Le déconfinement ne va quasiment rien changer. Enfin pour moi. Mon job a pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte de pouvoir accueillir de nouveau les collègues dans les meilleures conditions. Mais elles sont tellement contraignantes - et c'est bien normal - que nous sommes toutes et tous encouragé-e-s à poursuivre en télétravail.
Je vais donc retrouver le chemin du boulot demain matin dans mon salon-cuisine. Après une semaine de congés que je n'ai pas vue passer. Tout est allé très vite. En ne faisant rien de particulier. C'est ça la magie du confinement.
Ma reprise du boulot se fera donc en même temps que le déconfinement, en plein pendant les Saints de Glace. Coïncidence ? Je ne crois pas. Le confinement ayant fait les jours heureux du complotisme, je suis à deux doigts de conclure que déconfiner tout le monde pendant les trois pires jours de mai ne peut pas être le fruit du hasard.

#TaubiraDémission

(C'est le meilleur hashtag que j'ai trouvé pour exprimer mon mécontentement. J'aurais pu utliser #HollandeDémission rapport au climat et à la pluie, mais comme on célèbre aujourd'hui la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, dont Christiane Taubira est à l'origine - merci à elle - je trouve que ça a plus de sens).

Et donc ?

On ne pourra toujours pas aller au resto, ni dans des bars boire des coups, ni à plus de 100 km, ni faire des grosses teufs avec plein de gens, ni retrouver son crush. Mon seul changement notable sera de retrouver le chemin de la cantoche le midi, que j'ai décidé d'installer chez ma mère. Ça me fera une coupure dans la journée et ça me donnera l'impression que dans mon petit quotidien, il y a un changement entre l'avant-confinement et l'après-confinement.
Mardi soir, on a prévu de se réunir entre copines chez Agnès. Ce sera son anniv et on sera moins de 10. On a tout prévu pour respecter ces fucking gestes barrières et cette fucking distanciation sociale. On verra bien.
De toutes façons, soit on essaie, soit on ne fait rien et on continue à s'auto-confiner jusqu'à atteindre le seuil critique et pathologique de la mélancolie.
J'ai beau être une grande utopiste optimiste, il est clair que ce déconfinement ne va rien changer. Sauf pour les enseignants, sauf pour les grosses boîtes, sauf pour les personnels soignants qui doivent palpiter et suer à grosses gouttes à l'idée d'une reprise de l'épidémie.
Le monde d'après, ce n'est donc pas encore pour maintenant.
Tiens, en parlant d'Éducation nationale, ma sœur, Directrice d'école maternelle à Montreuil, a un problème de maths pour vous (moi j'ai renoncé) :

  • Sachant que le Ministre de l'Education nationale a déclaré dans le JDD "Je souhaite que tous les enfants aient pu retrouver physiquement leur école au moins une fois d'ici la fin du mois",
  • Sachant que les écoles de Montreuil ne rouvrent que le 18 mai, 
  • Sachant qu'elle aura 4 collègues sur place,
  • Chacune d'elles accueillant 5 élèves,
  • Sachant qu'il ne restera que 6 jours de classe avant fin mai,
  • Sachant qu'elle scolarise 236 enfants en tout,
  • Combien de temps vont-ils pouvoir passer à l'école ?
  • Questions bonus pour les plus forts : Combien de temps vont-ils passer dans leur classe (hors lavage des mains à leur arrivée et leur départ)?

Vous avez deux heures.

La bulle du monde d'après

Je ne crois pas en la solidarité et la reconnaissance de façades et de balcons qui s'est mise en place tous les soirs à 20h. Du moins, je ne crois pas en sa pérennité. Je suis convaincue que le monde d'après va mettre plus de temps à émerger que le la reprise du rouleau compresseur du monde d'avant qui va tout écraser sur son passage.
Sous la pression économique des grosses boîtes, des patrons, du Medef, des responsables politiques dont les travers égocentriques vont reprendre le dessus sur le bon sens et les idées, de la mondialisation, de la surconsommation intrinsèque au genre humain... La vie d'avant va reprendre son cours, doucement mais sûrement.

Les paradoxes du confinement

Je n'ai donc, tu l'auras compris, aucun bilan à faire de cette période. Sinon que c'était relou. 
Cela dit, j'ai quand même deux-trois trucs positifs, concrets, qui ont égayé ce confinement.
D'abord, contre toute attente, les réseaux sociaux qu'on qualifie souvent d’asociaux (à raison) ont joué leur rôle en matière de rapprochement et de lien social. J'ai échangé avec bien plus de monde qu'avant, avec des copains et copines avec lesquels je ne papotais plus sinon pour distribuer des cœurs par-ci par-là. J'en ai redécouverts certain-e-s avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à parler. J'en ai virés pas mal, de Twitter comme de Facebook. Comme on l'a tous-tes constaté, cette période a révélé ce qu'il y avait de meilleur comme de pire chez les gens.

Ensuite, les visios. On est tous-tes devenu-e-s des as en matière d'applis. Mais c'est Nico qui en parle le mieux. Ce qui est rigolo, c'est que maintenant, même pour appeler une seule personne, je n'hésite pas à appeler en visio. Comme le disait ma pote Agnès (celle qui fête son anniv le 12 mai... Suis un peu) "C'est chouette, maintenant on a davantage l'envie de se voir plutôt que de seulement s'entendre". Ainsi, pendant ces presque deux mois de confinement, j'avais au moins deux visios par semaine avec les copines, un avec les think-tankeurs de l'Essonne, plusieurs par-ci par-là avec tel ou telle pote, un blind-test par semaine organisé par mon pote Pikatch, pas autant de bureaux nationaux du PS que je l'aurais souhaité faute d'horaire adapté à mes horaires de taf (mais je m'égare), et un KdB par semaine avec la joyeuse bande de blogueurs et blogueuses, qui bloguent, ou qui ne bloguent plus d'ailleurs.

Et justement, cette période a ressuscité les blogs, à commencer par le mien. Ma bloguerolle ne s'est jamais autant agitée. Et les KdB organisés par Nico, bien que virtuels, m'auront permis de voir "en vrai" certain-e-s avec qui je n'avais jamais parlé de vive voix comme Sylvie ou Yann, et de faire plus ample connaissance avec d'autres dont je ne connaissais que le nom et les réseaux sociaux, tels Boris ou Denis. Contre toute attente, cette période de distanciation sociale m'aura rapprochée d'un paquet de copains et copines, comme Laurent, Marianne ou Hélène, et m'aura fait rencontrer des gens formidables.

Et demain alors ?

Demain, on nous annonce des masques pour tout le monde. À des prix variables. Tellement variables que pour une famille de 4 personnes, cela peut chiffrer jusqu'à 200€ par mois. Quand on repense au feuilleton des masques depuis des semaines, aux mensonges et au fiasco de l'Etat, au foutage de gueule puissance 1000 au cube quand on nous prenait pour des cons en nous disant que les masques ne servaient à rien et que maintenant, on va se prendre 135 balles d'amende si on ne le porte pas dans les lieux où il sera désormais obligatoire, c'est encore Allan Barte qui résume le mieux cette pitoyable fable.

Demain, les médias nous promettent un retour à une vie "quasi-normale". Si si, je te promets... Ils sont en boucle depuis ce matin.
"Quasi-normale"... N'importe quoi. Rien de ce qui va se passer demain ne sera "quasi-normal". Absolument rien. Les restos et bars ("lieux de convivialité" dans la novlangue de la start-up nation) seront toujours fermés.
Les salles de concert, de théâtre et de cinéma aussi. Et le grand show d'OSS 117 à la sauce Robinson Crusoé à cheval sur un tigre d'Emmanuel Macron n'aura eu aucun effet positif sur le monde culturel.
Les parcs et les jardins resteront fermés, ou pas, on ne sait pas. Ça évoluera selon les territoires et la volonté des préfets.
Des écoles vont rouvrir, d'autres non. Certaines rouvriront demain, d'autres la semaine prochaine, d'autres encore le 2 juin, ou carrément en septembre.
Les transports en commun fonctionneront au quart de leur potentiel à Paris.
Il faudra une attestation pour se rendre à plus de 100 km de chez soi et une attestation de l'employeur pour avoir le droit de prendre les transports en commun aux heures de pointe.
On a découvert entre hier et aujourd'hui deux nouveaux clusters de Covid-19 dans la Vienne et dans la Dordogne.
L'Allemagne reconfine certaines régions après les avoir déconfinées.
On ne sait toujours pas quand aura lieu le deuxième épisode, partiel ou complet, des élections municipales.
On n'aura pas le droit de se rassembler à plus de 10 personnes.
On ne sait pas quand on retrouvera son crush.
On ne sait pas quand je pourrai à nouveau refaire des drives au lieu d'aller me perdre dans des supermarchés bondés de gens masqués.
Je sais juste que je vais revoir ma mère demain... Et ça, ça n'a pas de prix.
Bref... L'à-peu-près déconfinement, c'est tout sauf un retour à une vie "quasi-normale".

Il y a 39 ans, François Mitterrand.

Il n'y a eu qu'un vainqueur le 10 mai 1981, c'est l'espoir. Puisse-t-il devenir la chose de France la mieux partagée.

Puisse la gauche retrouver le chemin de sa maison et de ses militant-e-s qui n'attendent que ça.

Amen.

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5 commentaires

  1. OUhhh...une lecture dominicale hors des sentiers battus....j'adoooore toujours autant... mais je constate que ce confinement ne t'a toujours permis de trouver un peu d'apaisement intérieur.
    Comment se fait-il que les guerrières du 21ème siècle comme toi ne s'offrent pas une part de spiritualité...laïque of course !
    En même temps, pas sûr que cela t'irait comme un gant...
    Finalement, ne change rien !

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  2. Je me souviens du 10 mai 1981. J'étais parmi la foule entre Bastille et République. Je croisais des gens heureux, très heureux, ils chantaient, criaient : "Enfin le socialisme en France!"....2 ans plus tard, nombre d'entre-eux ont du déchanter.

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  3. Faut que je participe au prochain KDB ! J'pouvais point, j'avais un autre apéro, qui s'est annulé à la dernière minute, pffff. À propos d'Éducation nationale, j'en parlais avec ma soeur hier, qui est de la partie, et je disais : je plains surtout les directrices et directeurs d'établissements, doivent pas beaucoup dormir la nuit. Courage à ta soeur ! J'espère que cette première journée déconfinée n'aura pas été trop éprouvante pour elle et ses équipes. À l'occasion, transmets-lui toute mon admiration.

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