Violences policières, racisme et discriminations, des fléaux à combattre sans relâche, partout, tout le temps

Ce matin, j'attendais avec impatience la lecture des "Lettres d'Intérieur" d'Augustin Trapenard sur France Inter car c'était celle de Virginie Despentes que j'aime beaucoup.
J'aime beaucoup Virginie Despentes et j'aime beaucoup Augustin Trapenard. J'étais donc servie.
Je précise que je ne suis pas toujours d'accord avec elle, loin de là. Mais elle me fait réfléchir et m'inspire à bien des égards.
Mais mon impatience fut secouée dès la première phrase.
Ainsi, pour dénoncer le racisme en France, elle a commencé sa "Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème" par :
En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. Pourtant j’ai cinquante ans, j’en ai vu, des gouvernements.
 

Ça partait mal.

Pendant que je conduisais sur le chemin de l'orthoptiste, je suis restée bloquée sur cette première phrase.
J'ai un peu plus de 40 piges et j'en ai vu, mois aussi, des gouvernements. Et des ministres noir-e-s aussi. Mais comme je fais partie de ces gens qui n'accordent aucune importance à la couleur de peau, aux orientations religieuses ou sexuelles, j'avoue ne m'être jamais posé cette question.
Christiane Taubira, Ericka Bareigts, George Pau-Langevin, Victorin Lurel, Rama Yade, Sibeth Ndiaye, Harlem Désir, Laura Flessel... Loin de moi l'idée d'en faire la liste exhaustive tant je déteste faire des listes, remplir des cases et enfermer les gens dedans, selon leur couleur de peau, leur orientation religieuse ou sexuelle. Donc je m'arrêterai là.
Mais sauf erreur de ma part, tous ces gens étaient bien ministres ou secrétaires d'état, hein.
(Et qu'on ne vienne pas me dire que "Secrétaire d'état", ça n'est pas pareil que "Ministre", quand, au quotidien, dans le langage courant, on utilise volontiers le mot "Ministre" pour désigner un-e "Secrétaire d'état". Moi-même, je le fais systématiquement quand je parle de Marlène Schiappa qui est bien à la tête d'un Ministère).
On pourra évidemment s'interroger sur la nature de leur ministère (de la même manière qu'on avait encore récemment, comme une espèce de réflexe, de coller les femmes aux ministères sociaux, culturels ou éducatifs, mais passons), sur leur capacité à se faire entendre, sur la trace qu'ils ou elles ont laissée dans l'histoire politique française, sur leur nombre, encore bien trop faible, mais c'est un autre débat et celui-ci serait valable pour chacun-e des ministres qui se sont succédé en France depuis des lustres.

Je n'ai pas d'amis blancs qui ne voient pas où est le problème

Sur la route du retour, j'ai écouté la lettre dans son intégralité et je suis d'accord avec quasiment tout son contenu. On ne peut évidemment pas nier que le privilège blanc existe quand on parle de racisme. C'est tellement évident que ça a dû en secouer certains et certaines "qui se sentent morveux-ses se mouchent". J'espère néanmoins que Virginie Despentes n'a pas trop "d'amis blancs qui ne voient pas où est le problème" car, moi, en l’occurrence, je n'en ai aucun. 
Connaissant assez bien les écrits de Virginie Despentes, elle aurait dû l'appeler "Lettre aux connards blancs qui ne voient pas où est le problème" et supprimer cette première phrase qui a cristallisé tout le monde aujourd'hui, moi la première. Ça aurait eu plus de panache. Mais j'aurais eu plus de mal à trouver l'accroche de mon billet.
Bref. 

Ouvrir les yeux

Après des jours de manifestations aux Etats-Unis suite au meurtre de George Floyd, le monde entier semble découvrir, éberlué, la prégnance et la persistance du racisme dans la police américaine. 
Dans le même temps, en France, quatre ans après la mort d'Adama Traoré dans des conditions similaires à celles de George Floyd aujourd'hui, on s'émeut de voir une manif interdite se tenir dans le calme à plus 20 000 participant-e-s.
Le problème, c'est que le racisme est partout. Et pas seulement dans la police.
Et c'est valable en France aussi.
Dans toutes les régions, dans tous les secteurs, dans tous les quartiers, à toutes les époques, dans toutes les professions.
Reconnaître qu'il faut combattre et condamner le racisme dans la police, ça n'est pas dire que tous-tes les policiers et policières sont racistes.
Reconnaître qu'il faut combattre et condamner le racisme dans toute la société, dans tous les secteurs, dans tous les quartiers, à toutes les époques, dans toutes les professions, ça n'est pas dire que la France est un sale pays de racistes.
Celles et ceux qui affirment que toute la police est raciste sont aussi dangereux que celles et ceux qui affirment que tous les curés sont des pédocriminels (à la différence près que les curés ne se font pas tuer sur le bitume par un placage ventral ou un genou sur la gorge). Je choisis volontairement deux exemples qui ne sont pas comparables tant la première affirmation me révolte.
Quand je lis "ACAB" sur les murs de France, ça me révolte.
Quand je lis des insultes racistes, ça me révolte.
Mais celles et ceux qui dénoncent les violences policières par le seul prisme du racisme et de la couleur de peau sont aussi dangereux que celles et ceux qui dénoncent le racisme par le seul prisme des violences policières.
De la même manière, lutter contre le racisme est une évidence, lutter contre les violences policières en est une aussi. Et les exemples ne manquent pas, ni pour les actes racistes, ni pour les violences policières. Mais la nuance, c'est que les deux ne sont pas systématiquement liés.
Enfin, répondre à quelqu'un, qu'il s'agisse d'une artiste ou non, qui ressent de la peur en présence de la police "Tu as tout faux, tu dis n'importe quoi, tu ne peux pas dire ça", est d'une connerie sans nom.
Qui sommes-nous pour juger le ressenti de celles et ceux qui ne se sentent pas en sécurité ?
Qui sommes-nous pour juger le ressenti de celles et ceux qui subissent insultes, brimades, violences et discrimination au quotidien ?
Qui sommes-nous pour juger le ressenti ?

Passion bullshit

J'ai lu tellement de conneries ces derniers temps sur les discriminations, le sexisme, le racisme, l'homophobie...
J'ai lu que les blancs n'ont pas leur mot à dire parce que ce sont des privilégiés et que, parce qu'ils sont blancs, ils ne peuvent pas comprendre et ne doivent pas s'exprimer au nom des noirs.
Alors, on est d'accord sur un point. Un seul.
Parce que je suis blanche, je ne peux pas comprendre et je ne comprendrai jamais ce que c'est d'être noire dans un pays comme la France. Je ne saurais jamais ce que ça fait d'être dévisagée du regard parce que noire, d'être moquée parce que noire, d'être insultée parce que noire, d'être méprisée parce que noire, d'être discriminée parce que noire, d'être soupçonnée parce que noire, d'être fantasmée parce que noire.
(Pour autant, tu peux remplacer "noire" par "femme" et passer toutes les phrases à l'affirmative, hein).
En revanche, je ne me tairais jamais pour dénoncer, combattre et condamner le racisme.
La démonstration est valable pour toutes les discriminations. 
Je ne suis pas gay mais je ne me tairais jamais pour dénoncer, combattre et condamner l'homophobie et lutter pour l'égalité des droits.
Je suis athée et laïcarde (paraît-il) mais je ne me tairais jamais pour dénoncer, combattre et condamner l'islamophobie ou l'antisémitisme et lutter pour défendre la liberté de culte et/ou de conscience.
Je suis une femme et je ne demanderai jamais à aucun homme de la boucler ou de ne pas défendre le féminisme ou l'égalité de nos droits.
Jamais.

Procès en illégitimité

J'ai lu aussi qu'un homme défendant le féminisme et luttant pour les droits des femmes, s'il s'exprimait trop, il leur confisquait la parole, leur volait la place.
Pas légitime parce que mec.
Je me suis pris exactement les mêmes remarques il y a deux ans je crois, après un tweet faisant la promotion du Mois des Fiertés et rappelant les combats qu'il reste à mener.
Pas légitime parce qu'hétéro.
Et aujourd'hui, je suis à deux doigts de me voir répondre sur la lutte contre le racisme "pas légitime parce que blanche".
Moi qui me bats au quotidien pour sortir des cases dans lesquelles la société aime nous enfermer, j'assiste, médusée, à la reconstitution de cases totalement étriquées.

Et je hais ces cases dans lesquelles on veut nous enfermer.

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26 commentaires

  1. Tout pareil (y compris l’orthoptiste c’est de la torture ce truc!)
    Plus sérieusement c’est difficile de commenter ... tellement tout ce que tu écris correspond tellement. Je suis un mec, hétéro, blanc et souvent je me sens pas « à ma place » pour lutter contre les discriminations. Alors que plus on sera de mecs (ou de nanas) pas concernés directement à rejoindre ces luttes, plus vite elles ne seront plus nécessaires faute d’adversaires.

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    1. Ma cheffe me racontait (j'ai linké son billet dans mon texte) qu'au retour de la manifestation, un bout de la dispersion s'est faite en bas de chez elle dans Paris. Elle a entendu scander "Ne nous regardez pas, rejoignez-nous". Tout est dit.
      Ce n'est qu'ensemble, en faisant masse, qu'on y arrivera.

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  2. "La France est avant tout un pays chrétien de race blanche".
    Faudra m'expliquer en quoi c'est un privilège.
    Un héritage, oui. Un privilège, non.

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  3. "quatre ans après la mort d'Adama Traoré dans des conditions similaires à celles de George Floyd aujourd'hui" Mais non !!! Lire l'article de Bilger, très clair sur le sujet https://www.philippebilger.com/blog/2020/06/autopsie-de-.html

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    1. Similaire. adjectif. Qui est à peu près semblable.

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    2. Justement! Entre un Georges FLOYD qui ne résiste pas, se soumet (selon les vidéos diffusées, hein!!) et un Adama au casier judiciaire lourd, chargé en liquide, et en stupéfiants, qui se rebelle, je pense que les conditions ne sont pas du tout égales. C'est bien ce que Me BILGER évoque dans son billet. Après, on peut toujours croire, ou ne pas croire...

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    3. Où ai-je donc écrit que les conditions étaient « égales »?

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  4. "Il est normal que le peuple historique ait des privilèges sur la terre de ses ancêtres."
    Qui a dit ça?
    En quoi ne plus être des privilégiés feraient de nous des étrangers?
    (Je ne sais même pas pourquoi je vous réponds...)

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  5. Freddi (je ne sais même pas pourquoi je vous réponds) je crois que vous êtes un gros con.

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  6. Toutes les andouilles virées de chez moi commentent ici, c'est un bonheur.

    Cela étant, je veux bien arrêter le racisme et l'homophobie mais qu'on me laisse au moins le machisme ! (smiley, hein !)

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    1. Ah j’ai activé la modération du coup...
      Merci hein !
      Smiley aussi

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  7. Ah ben la modération est activée... Bienvenue au club...

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  8. Activer la modération, c’est faire le tri entre le débat et les insultes.

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  9. Les commentaires ne sont pas fermés, ils sont modérés.
    Vous faut-il un dictionnaire?

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  10. N’avez-vous donc rien de mieux à faire qu’à commenter un billet avec une illustration débile et dont l’auteure est une sotte, stupide, acculturée?

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  11. Dans votre liste de début de billet, vous auriez pu ajouter Léopold Sédar Senghor, ministre de Michel Debré, et surtout Gaston Monnerville, qui fut tout de même président du Sénat durant presque toute la période gaullienne de la Cinquième République.

    Pour le reste, rien de spécial à dire, le racisme s'apparentant de plus en plus à une pure fantasmagorie. Ou encore à un knout virtuel dont nous sommes tenus, chaque matin, de nous lacérer le dos et les épaules. Et j'ai passé l'âge du masochisme.

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    1. J'aurais en effet pu poursuivre la liste bien au-delà, mais comme je l'ai dit, je déteste faire ce genre de liste.
      Pour le reste, je ne suis pas d'accord avec vous, mais cela n'est guère surprenant.

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    2. Non, rien de surprenant, en effet.

      En revanche, je reste stupéfait d'apprendre que vous avez "un peu plus de 40 piges", alors que je vous en aurais facilement accordé dix de moins…

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    3. Des années d'entraînement pour en faire 10 de moins.

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    4. Eh bien, c'est parfaitement réussi !

      Il y a aussi ce phénomène amusant (vous le constaterez vous-même d'ici quelque temps) : lorsque l'on dépasse un certain âge, les gens plus jeunes que soi vous paraissent de plus en plus jeunes. Maintenant, je m'y suis habitué, mais il y a encore sept ou huit ans, il m'arrivait souvent de sursauter lorsque, à un feu rouge, je me trouvais arrêté à côté d'une voiture dont le conducteur, ou la conductrice, NE POUVAIT PAS, à mes yeux, avoir davantage que 15 ans, 16 à l'extrême rigueur. Vous verrez, si on s'efforce de le prendre du bon côté, c'est un phénomène plutôt amusant…

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    5. Alors, les vieux ? On papote...

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    6. On s'entraîne pour quand on sera voisins de table, à la cantoche de l'ehpad.

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