Les semaines se suivent et se ressemblent... Il faut sacrément faire preuve d'imagination pour essayer de casser cette routine de merde, coincée entre un reconfinement qui n'en était pas vraiment un - d'ailleurs, sommes-nous toujours reconfinés ou avons-nous été déreconconfinés ? Je ne sais plus, je n'y comprends rien - et un couvre-feu qui passe de 20h à 18h au gré des humeurs d'on ne sait plus trop qui.
18h... L'heure à laquelle dans une vie normale, je suis à peine en train d'éteindre mon ordi, enfiler mon manteau, éteindre la lumière du bureau, faire le tour des bureaux pour dire aurevoir aux collègues, retirer mon manteau dans le hall, passer aux wawa, remettre mon manteau, descendre au parking, pour enfin tourner le dos au bureau vers 18h30. En gros. Dans le meilleur des cas. Quand je n'ai pas enfilé mon manteau alors que j'avais oublié que je devais passer aux wawa.
Dans une vie normale. C'était quand déjà la vie normale ?
Dans une vie normale, au volant de mon bolide, sur les routes franciliennes, le téléphone en kit mains libres allumé, j'appelais les copains et les copines, et on s'organisait un apéro à l'arrache dans la demi-heure qui suivait.
"Dis Siri, appelle Gayle".
Le temps de faire un saut chez le caviste et chez Monop, acheter de quoi picoler et grossir, on pouvait décemment espérer trinquer vers 19h30-20h. Gloire !
Coucou Stan Guérini, coucou le Gouvernement : non, la France entière ne s'arrête pas à 18h pour picoler, ni dans la vraie vie, ni dans la vie normale, ni dans la vie confinée, déconfinée, reconfinée. À 18h, au mieux elle s'arrête de bosser pour se ruer dans des transports en commun bondés ou dans les bouchons des migrations pendulaires, au pire, elle court dans une épicerie acheter le truc qui lui manque pour nourrir la famille le soir-même, ou arrive en nage à l'école H-1 minute avant la fermeture et la honte sur elle d'avoir laissé son enfant à la garderie ou à l'étude jusqu'à 19h quand il est à l'école depuis 7h du matin.
Qui sont ces gens ?
Sérieusement, qui sont ces gens qui veulent "contrer l'effet apéro de 18h" dans un contexte où il est déjà impossible de se retrouver après le taf pour être de retour chez soi avant l'ex-couvre-feu de 20h?
Qui sont ces gens qui n'ont pas de routine et / ou de corvées et / ou de contraintes autre que l'apéro le soir après le boulot ?
Qui sont ces gens qui pensent que sitôt le journée de taf terminée, même avant 18h, on est opé pour se bourrer la gueule entre amis dès 18h ?
Qui sont ces gens qui se lèvent un matin avec cette idée de génie, accompagnée d'éléments de langage tout aussi géniaux que celui de :
"Il faut contrer l'effet apéro!"
Ça fait des mois qu'on use de subterfuges, organisations personnelles, stratégies du quotidien pour essayer de casser cette routine de merde.
Moi, j'étais hyper contente d'avoir trouvé cette promenade, toujours la même, mais toujours différente selon qu'il neige, pleuve, fasse beau, gèle, fasse jour ou nuit. Les seuls être vivants que j'étais susceptible de croiser alors étaient des chevaux, des vaches écossaises, des hérons, des poules d'eau, des cygnes, des oies, voire des hérissons.
Tu kiffais cette balade ? Eh bah c'est mort, tu pourras plus la faire après le boulot. Après le boulot, ta seule balade autorisée, c'est de migrer de ton bureau-cuisine au salon. T'es pas contente ? Tant pis, c'est pour ton bien. Bosse et tais-toi.
Et puis t'as qu'à la faire le midi ta balade ! Ça suffit les caprices.
Alors non en fait. Le midi, c'est mort. On a raccourci la pause dèj parce que c'est le seul moment qu'on a pour aller faire 2-3 courses d'appoint, ou faire un saut à la Poste avant qu'elle ne ferme à 12h30, ou dans la boutique qui sert de Mondial Relay et qui ferme elle aussi à 12h30... Alors marcher dans la nature... Comment te dire.
Et je vous épargnerai ma profonde tristesse de ne pas pouvoir aller au cinéma. Mon petit cinéma de quartier, enfin d'agglo, qui, cet été, tournait déjà en sous-régime à 5 ou 10 spectateurs max par séance.
Tout me manque : les musées, les expos, les cafés, les apéros, les restos, le ciné. Sortir de chez moi pour autre chose que des besoins primaires tels que la bouffe, la santé, ou les boutiques.
Qui sont ces gens qui:
- après nous avoir dit que les masques ça ne sert à rien et que bah si finalement c'est obligatoire,
- après nous avoir confinés puis brutalement déconfinés en nous poussant à partir en vacances, à voyager, à retourner dans les lieux culturels,
- après nous avoir dit ah bah nan finalement, les cinés, les musées, les restos, on oublie,
- après nous avoir couvre-foyés, puis reconfinés, puis redéconfinés, puis recouvre-foyés,
- après nous avoir interdit Noël à plus de 6 personnes, tout en assistant médusés et incapables, à une rave party sauvage de près de 36 heures avec 2500 participants au plus fort de la bamboche,
- après nous avoir promis une vaccination de la totalité de la population d'ici juillet, pour finalement nous dire que bah nan c'est chaud on n'y arrivera pas, tout en continuant à nous promettre que bah si on espère bien quand même,
- après nous avoir dit que les enfants étaient des gros vecteurs de transmission, puis en fait non pas du tout, puis en fait si un peu quand même,
nous réduisent désormais à télébosser, consommer, nous soigner et dormir, sans autre forme de sociabilité, de loisirs et de libertés ?
Hier, j'avais le moral dans les chaussettes
Quand j'ai vu ça, j'ai cru que j'allais craquer.
Et puis quelques heures plus tard, j'ai vu ça :
Et alors je me suis souvenu qu'il y a un an presque jour pour jour, Agnès Buzyn nous assurait que le risque de propagation du virus depuis la ville de Wuhan était quasiment nul.
Et là, j'ai compris.