Cette semaine a été marquée entre autres par les réactions en chaîne qui ont suivi l’annonce par François Hollande de la fameuse tranche d’imposition à 75 %.
- Celles que certains voient comme un pillage ou une incitation à l’exil fiscal.
- Celles que d’autres – dont je suis – voient comme une forme de justice fiscale.
Chacun-e voit midi à sa porte comme on dit.
Je ne reviendrai pas sur les propos de Christophe Jallet qui m’ont quelque peu fait tomber de ma chaise… Mais je le remercie car il a suscité d’autres réactions un peu plus dignes qui méritent d’être relayées.
Hier, la déclaration de Claude Onesta, sélectionneur de l’équipe de France de hand, faisait écho à celle de Frédéric Thiriez, président de la ligue de football professionnel qui affirmait que ce projet serait une "catastrophe pour le foot français" et que son "devoir est de défendre les intérêts vitaux du foot quand ils sont menacés". Les intérêts vitaux… Une autre notion qui mériterait une analyse. Car si le fric est un intérêt vital, il devient urgent de remettre les valeurs du sport dans le droit chemin… mais je m’égare.
Morceaux choisis de l’interview de Claude Onesta dans Libération :
- "Ceux qui sortent l’argument de la fuite des talents croient quoi? Que c’est une crise économique franco-française?"
- "Disons qu’un mec à 100 000 euros par mois n’en gagnerait plus que 80 000. Là aussi, j’ai du mal à voir où est le scandale".
- "On ne reste pas dans un pays parce qu’il vous permet de protéger le trésor mais parce qu’on y a des amis, qu’on partage des valeurs avec ceux qui y habitent. Donc, qu’ils s’en aillent".
Merci Monsieur Onesta de votre lucidité qui, bien qu’elle me semble élémentaire en pareil contexte, a le mérite de pointer du doigt la médiocrité de l’argumentation de ceux qui ont peur pour leur avenir en France en tant que millionnaires.
Sauf qu’il est à rappeler que bon nombre des sportifs les mieux payés de France ont déjà pris leurs quartiers en dehors de nos frontières et que cette taxe ne changerait finalement pas grand-chose pour eux.
D’autant plus que même si cette taxe est avant tout symbolique puisqu’elle ne résorbera ni la dette ni la crise à elle seule, elle rétablit incontestablement une justice écrasée par le bling-bling du sport-business qui affiche sans complexe des rémunérations que le commun des mortels n’atteindra jamais même en se réincarnant 7 fois comme les chats.
Mais arrêtons de stigmatiser ces pauvres sportifs millionnaires qui font pleurer dans les chaumières depuis le début de la semaine…
Car ils ne sont pas les seuls à montrer du doigt quand on évoque l’indécence des salaires.
Car comme le souligne Jérôme Cahuzac, le principe même de cette nouvelle tranche d’imposition est d’en "finir avec un système inefficace et injuste".
Car en 2010, tandis que le pouvoir d’achat des Français-es progressait de 0,1 % – quelle envolée ! – les rémunérations des dirigeants du CAC 40 augmentaient de 34 %... Tranquille…
Mais, cette taxe a un autre mérite, et non des moindres : celui de questionner les Français-es sur ce qu’ils en pensent… Car je n’ai pas souvenir que de telles questions leur aient été explicitement posées dans un tel contexte – de présidentielles et de crise. Et leurs réponses sont sans appel :
Et je remercierai ici – une fois n’est pas coutume – un grand patron français : Louis Gallois, qui a déclaré ceci le 17 janvier 2012 sur France Inter, bien avant la levée de boucliers des pauvres millionnaires français cette semaine :
"Limiter les salaires des grands patrons ne suffirait pas… mais certainement les hauts salaires oui. Je pense que certains salaires sont devenus totalement excessifs et incompréhensibles et qu’il faut une discipline collective."
Et je remercierai aussi Guillaume de Vendée. Guillaume, si tu nous regardes...
Guillaume qui lui a simplement demandé :
"Qu'est-ce qu'un salaire raisonnable pour un patron de votre niveau ? Je conçois qu'il faille des différences, mais quelles limites donner à cela ?"
Réponse de Louis Gallois :
"Ma rémunération est de 2,6 millions par an. Je trouve que c'est un salaire absolument incompréhensible par l'opinion publique. Je le dis franchement, on ne peut pas comprendre que quelqu'un gagne une telle somme quand on voit les difficultés. Je pense qu'il y a un effort de solidarité à faire. Pour mon confort personnel, je m'arrange en donnant une partie de mon salaire à des actions socialement utiles, mais je dirai que c'est du sauvetage individuel; je pense qu'il faut qu'il y ait une discipline et une fiscalité qui aide à cette discipline".
Lorsqu'il dirigeait la SNCF, Louis Gallois gagnait "10 fois moins. J'arrivais à vivre quand même [...]. Je ne suis pas contre une hausse de la fiscalité pour les plus hauts revenus."
Et on veut bien le croire qu'avec 260 000 € par an, on vive bien...
Et même très bien. N'en déplaise à Christophe Jallet et Frédéric Thiriez.
Surtout quand 99 % des Français gagnent moins.
Allez les riches... Remballez vos Kleenex, ça pourrait être pire...
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