Force du pantalon // Faiblesse de la jupe

Depuis hier, la twittosphère et la blogosphère s'animent autour des huées et des sifflets dont a été victime Cécile Duflot à l'Assemblée Nationale.

CĂ©cile Duflot

On murmure ici ou là que ce serait sa robe qui aurait été à l'origine des quolibets rageurs de l'opposition.
Si tel est le cas, c'est assez lamentable.

Mais plus rien ne m'étonne quand on se souvient de l'émulation qu'avait également provoqué son jean sur la photo officielle du Gouvernement Ayrault I.

Moi perso, je m'en contrefous qu'elle ait été en jean.
Je nourris d'ailleurs l'espoir qu'un jour, les députés pourront siéger en bermuda et en bras de chemise.

Je préfère avoir affaire à un député en bermuda et chemisette qu'à un député en costard-cravate qui sue comme un bœuf.

De même, que je préfère avoir affaire à une Ministre compétente en jean qu'à une gravure de mode qui respecterait les soi-disant codes vestimentaires que sa fonction implique et qui serait affligeante tellement elle serait nulle.

Et puis tiens! Pourquoi pas un député en kilt ou en jupe façon Jean-Paul Gauthier?

Qu'est-ce que ça peut faire comment on est sapé pour travailler?
Conservatisme, machisme, préjugés, immobilisme... Tout ceci est assez désespérant.
La sexuation vestimentaire me semble complètement dépassée.

Mais ça n'engage que moi.

Pendant des siècles, les femmes ont Ă©tĂ© empĂŞchĂ©es de porter le pantalon. 
Puis elles se sont battues (et se battent encore aujourd'hui) pour avoir le droit de porter la jupe sans être traitées de bimbo, de teupu ou de salope.
Mais elles se font siffler quand elles portent un jean en conseil des ministres.
Elles se font apparemment huées quand elles revêtent une robe florale un peu new-look.
Elles se font traiter de barriques quand elles se noient dans une veste difforme.
Elles font la Une des magazines quand elles sont chaussées en Louboutin.

Mais on s'en fout bordel!

Et sinon, saviez-vous que l'ordonnance du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800) qui interdit aux femmes de porter le pantalon est toujours en vigueur?
Le Préfet de Police,
Informé que beaucoup de femmes se travestissent, et persuadé qu'aucune d'elles ne quitte les habits de son sexe que pour cause de santé ;
Considérant que les femmes travesties sont exposées à une infinité de désagréments, et même aux méprises des agents de la police, si elles ne sont pas munies d'une autorisation spéciale qu'elles puissent représenter au besoin ;
Considérant que cette autorisation doit être uniforme, et que, jusqu'à ce jour, des permissions différentes ont été accordées par diverses autorités ;
Considérant, enfin, que toute femme qui, après la publication de la présente ordonnance, s'habillerait en homme, sans avoir rempli les formalités prescrites, donnerait lieu de croire qu'elle aurait l'intention coupable d'abuser de son travestissement,
Ordonne ce qui suit :
  1. Toutes les permissions de travestissement accordées jusqu'à ce jour, par les sous-préfets ou les maires du département de la Seine, et les maires des communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et même celles accordées à la préfecture de police, sont et demeurent annulées.
  2. Toute femme, désirant s'habiller en homme, devra se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l'autorisation.
  3. Cette autorisation ne sera donnée que sur le certificat d'un officier de santé, dont la signature sera dûment légalisée, et en outre, sur l'attestation des maires ou commissaires de police, portant les nom et prénoms, profession et demeure de la requérante.
  4. Toute femme trouvée travestie, qui ne se sera pas conformée aux dispositions des articles précédents, sera arrêtée et conduite à la Préfecture de police.
  5. La présente ordonnance sera imprimée, affichée dans toute l'étendue du département de la Seine et dans les communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et envoyée au général commandant les 15e et 17e divisions militaires, au général commandant d'armes de la place de Paris, aux capitaines de la gendarmerie dans les départements de la Seine et de Seine et Oise, aux maires, aux commissaires de police et aux officiers de paix, pour que chacun, en ce qui le concerne, en assure l'exécution.
Le Préfet de police Dubois
Source: BARD Christine, Une histoire politique du pantalon, Paris, Seuil, 2010, p. 69-70.

Vous aimerez aussi

10 commentaires

  1. Ah les cons!
    Duflot, j'aime, en jupe, en pantalon , mĂŞme... euh.. rien.

    RĂ©pondreSupprimer
  2. Je savais cette sordide histoire de pantalon... et la moustache (sauf évolution réglementaire très récente qui m'aurait échappé) est toujours obligatoire chez les gendarmes....

    RĂ©pondreSupprimer
    RĂ©ponses
    1. Tout à fait! Si ça t'intéresse d'ailleurs, Gil Mihaley qui a travaillé sur les codes virils militaires, est l'auteur de plusieurs articles sur la moustache et la pilosité en général :-)

      Supprimer
  3. Gil de la Maison Gillette?
    #okjesors

    RĂ©pondreSupprimer
    RĂ©ponses
    1. Dis-donc toi, t'as posté ce com avant ou après avoir soufflé dans l'ethylotest?

      Supprimer
  4. N'oubliez pas non plus la fameuse grève des garçons de café en 1907, qui leur a permis d'enfin porter la moustache.

    RĂ©pondreSupprimer
    RĂ©ponses
    1. Impossible de répertorier ici hélas toutes les aberrations législatives et culturelles des codes de genre malheureusement...
      Mais merci pour cette info !

      Supprimer
  5. Très interessant! J'ai lu aussi le livre de Bard et j'ai l'impression qu'en France le debat sur jupe/pantalon c'est beaucoup plus vivant qu'en Italie.
    Comme je travaille sur "la sexuation vestimentaire", je me demandais si cette definition est courante en français (dans la langue académique au moins) ou si c'est vous qui l'avait inventé. Parce que je combat toujours avec l'italien qui ne me permet pas de definire des choses comme celle-ci. Et pardon pour mon français!

    RĂ©pondreSupprimer
    RĂ©ponses
    1. Bonjour, merci d'être passé par ici.
      "Sexuation vestimentaire" est une expression tout à fait acceptée dans les études de genre. Même si les correcteurs automatiques du web ou word continuent de le souligner en rouge :-)

      Supprimer