Confinement. Episode 18. La charge mentale


Les journées se suivent et se ressemblent de plus en plus. La routine, bien plus qu'une routine, est devenue une véritable horloge réglée comme du papier à musique. Les heures défilent les unes après les autres à une vitesse grand V alors même qu'on a l'impression d'être confinés depuis des mois. Le temps passe vite dans un confinement qui passe lentement, très lentement. Drôle de paradoxe.
Je n'ai toujours pas ouvert un bouquin depuis plus d'un mois maintenant.
Quant à mater des films... J'en ai regardé deux : Spiderman, far from home. Lancé un samedi-je-ne-sais-plus-lequel vers midi, fini vers 18h. Et Les Crevettes pailletées. Lancé lui aussi un samedi-je-ne-sais-plus-lequel (peut-être que c'était le même samedi à bien y réfléchir) vers 20h, fini vers une 1h du matin le jour suivant (donc un dimanche à priori, mais rien n'est moins sûr).
Cette espèce de syndrome du je-voudrais-bien-mais-je-peux-point lire un livre / regarder un film semble être un dommage collatéral du confinement. Un peu comme si j'avais confiné une partie de mon cerveau.

Phénomène d’attention spatiale

En papotant dans les réseaux, il s'est avéré qu'on était un paquet à ressentir la même chose. À tel point que Courrier International en a fait un papier :
Psychologie. Pourquoi je n’arrive pas à lire de roman pendant le confinement.

Le journal qui reprend un papier de La Repubblica nous explique que nous serions programmés pour faire une seule chose à la fois (enfin ça, si je puis me permettre, c'est surtout valable pour les mecs hein... Oh eh ! ça va hein... Si on peut plus rigoler, faut l'dire), notre attention serait alors incapable de concevoir d'autres pensées que celles de l'instant T. 
Nous serions donc actuellement conditionnés par la pandémie et notre cerveau n'aurait que ça en tête (cette phrase est cheloue), même lorsqu'on est vautré dans notre canapé en survêt-sweat-à-capuche-espadrilles, un verre de vin à la main, soit l'endroit le plus sécurisé du monde à l'heure où je te parle.
Il paraît que c'est le même mécanisme qui nous permet de traverser la route en toute sécurité: le cerveau est ultra concentré sur cette situation à fort potentiel dangereux et donc, il passe en mode shutdown toutes les autres actions qui perturberaient cette action.
Un autre exemple classique est celui de la marche arrière quand nous sommes en train de garer notre voiture : si nous parlons au téléphone (en kit mains libres cela va sans dire), nos paroles vont ralentir et notre interlocuteur va nous demander si l’on est encore là.
Tout ça, c'est bien gentil, mais comme je suis multitask, ça m'agace. Et c'est pas comme si j'avais une pile de bouquins à lire de maboule (la pile de bouquins hein, pas les bouquins) qui m'attend depuis des mois.
Tiens ! Figure-toi que ça aussi, ça a un nom. Ce monde est magique.

Le tsundoku...

...Ou l'art d'empiler des livres sans jamais les lire. 
C'est un peu mon cas. Enfin non, parce qu'à un moment, je finis toujours par les lire. Mais avec un jetlag de dingo entre le moment où je les ai achetés et le moment où je les lis. Ainsi, j'ai toujours cette pile de bouquins achetés il y a un an au Salon du Livre et qui me lance des regards dès que je passe devant. Non contente d'avoir cette Tour de Babel à lire, j'ai continué d'acheter d'autres livres, que je n'ai toujours pas lus, alors même que j'en ai lus d'autres achetés encore plus tard.

L'art du du blogging confiné, c'est aussi celui de parler pour ne rien dire.

Ce matin, ma routine quotidienne du télétravail a été rompue par une sortie jusqu'au boulot. Je prends le relais d'une collègue pour aller relever le courrier du service. 60 minutes all inclusive. Aller au boulot, relever le courrier, scanner les trucs importants, arroser les plantes, récupérer ma souris sans fil et mes deux tasses (sales) que j'avais laissées en quittant le boulot le 12 mars dernier.
60 minutes en tout.
Bah oui, figure-toi que le vendredi 13 mars, j'étais en congés. La veille, quand je suis partie du boulot, j'avais donc laissé (un peu comme tous les soirs, j'avoue) mes deux tasses (une pour le café, une pour le thé) sales, en me disant "vas-y, c'est bon, je les laverai lundi". 
Lundi de reprise qui n'est finalement jamais arrivé.
Je confirme qu'elles sont donc toujours sales mais que je vais enfin pouvoir les laver.
Nos plantes, Corinne et Sophie (oui, elles ont des noms. Nous les avons baptisées ainsi avec mon collègue, celui qui a une boule à facettes dans sa piaule), étaient assoiffées mais vivantes. Le bananier, qui n'a pas de nom, est mort. Si ça se trouve, c'est parce que nous ne l'avons jamais baptisé qu'il est mort. Parti dans l'enfer des plantes parce que jamais baptisé, l'impie !
C'était bien triste cette virée au boulot. Couloirs plongés dans le noir, portes closes, pas un bruit... Alors que d'habitude, ça gesticule dans tous les sens, ça court même souvent, ça claque des portes, ça claque des talons sur le parquet du pallier, ça rigole fort, ça croise des bénévoles, des collègues, des chercheurs et des chercheuses, des scientifiques, des vaguemestres, Pascale de la cantoche, des collègues...
Là. Rien. Le silence absolu. 

Ce soir, je ne suis pas allée marcher. Ça fait une semaine que je ne marche plus mes 4 km quotidiens. La fatigue. La flemme. La lassitude. Mes nuits sont toujours aussi courtes et mes journées toujours aussi longues.

Comme suspendues dans un timing qui n'a plus ni début ni fin.

Enfin si... Il paraît que la fin, ce sera le 11 mai.
Ou plutôt le début de la fin.
C'est pas pour tout de suite.
Et en même temps, c'est demain.
Et demain est un autre jour.

Mais je pense pas à demain, parce que demain c'est loin.

T'as vu ? J'ai réussi à faire un billet sans parler politique...
Profites-en, ça va pas durer.

13 commentaires

  1. Ah les petites plantes de bureau ! J'en ai aussi des robustes, mais là je sens que ça sera compliqué de les récupérer. On verra bien.
    Si j'avais été un peu moins idiote j'aurai bricolé qqch pour les emmener sur mon porte bagage de mon vélo ce fameux vendredi. Ça aurait été d'un chic! 😊

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  2. Tout d’abord, tu dois admettre que côté billet sans politique je te bats à plate couture aujourd’hui.

    Sinon, je ne crois pas à l’explication du fait de ne pas lire. De fait, hors vacances, je lis très peu. Je passe mon temps « boulot métro bistro dodo » et depuis que j’ai un smarphone, je passe mon temps à l’utiliser (y compris pour lire, d’ailleurs... mais pas depuis quelques mois). En confinement, je fais la même chose que non confiné mais il ne me reste que « boulot dodo ». Et si je lis pendant les vacances, il faut que je me force. Mais une fois que j’ai commencé le premier roman je délaisse le reste !

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    1. Ouais bah moi, c’est pas ça hein... du tout même.

      Quant aux billets, qu’ils soient politiques ou non, tu me bats à plates coutures à chaque fois !

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  3. Wahou..p....n de chronique du temps qui passe..
    Je t'adooore en femme philosophe, finalement plus qu'en femme politique.
    Au secours, Platon, elle me fait craquer !

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Tu me préfères en philosophe qu’en politique... merde alors je ne sais pas comment je dois le prendre 😂
      Tu es identifié Gérard F., je te le confirme 😄

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  4. La vraie vie d'Adeline Dieudonné est une petite perle que je conseille vivement, ça a été un de mes rares coups de cœur cette année !

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    1. Il paraît qu’il est top oui. Je vais essayer ce week-end...
      Merci !

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  5. Un horloge réglée comme du papier musique : l'image m'a bien amusé par son incongruité cocasse. On pourrait tenter de l'inverser : une portée musicale tournant comme une horloge.

    Sinon, vous lisez ce que vous voulez, évidemment. Mais enfin, tout de même, cette Adeline Dieudonné… Vous êtes sûre que vous n'avez pas des choses un peu plus relevées, dans votre pile d'attente ?

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    1. Sans aucun doute, mais je ne suis pas sûre d'avoir du temps de cerveau disponible pour des trucs plus relevés.

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    2. Mais si, mais si ! Le cerveau, ça marche comme les muscles des cuisses : plus on l'entraîne, plus loin il va.

      Pour quand vous vous serez remusclé la boîte à neurones, mon conseil de lecture : Le Nuage et la Valse, de Ferdinand Peroutka, journaliste tchèque (1895 – 1978). C'est un assez gros roman, véritablement prodigieux, paru aux États-Unis en 1976 (à la fois antinazi et anticommuniste, le camarade Peroutka a conséquemment eu une existence un peu mouvementée…) et traduit en français de l'année dernière.

      Si ce roman ne vous scotche pas à votre fauteuil, je vous le rembourse !

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