Stéphane Trompille condamné pour harcèlement sexuel: l'émotion à géométrie variable en marche

Stéphane Trompille vient d'être condamné par les Prud'hommes pour harcèlement sexuel et licenciement abusif à l'encontre de son ancienne collaboratrice parlementaire.
Mais il a également été condamné pour licenciement abusif à l'encontre de son ancien collaborateur parlementaire qui avait soutenu sa collègue d'alors en attestant qu'elle était victime de harcèlement sexuel.
2 personnes, 3 plaintes, 3 condamnations. Tout ça le même jour.
Tu ne connais pas Stéphane Trompille ?
Normal. A part briller par des tweets compulsifs avec un sens politique proche du néant et s'être fait remarquer fin 2018 pour avoir failli en venir aux mains avec des Gilets Jaunes sur un rond-point, tout en étant lui-même rond comme une queue de pelle, le député ne s'est guère illustré par ses prises de positions politiques.
Il a été deux fois en TT sur Twitter. Une fois après cette pitoyable démonstration de force quand on se sent pousser des ailes d'invincibilité avec 4 grammes dans chaque bras. Une fois après avoir été condamné pour les deux faits énoncés plus haut. 

Joli pedigree.

Balance ton porc

Chacun sait combien il est difficile pour une victime d'aller jusqu'au bout du processus judiciaire quand elle a été victime de violences sexuelles, de viol ou de harcèlement sexuel.
Les pressions sont immenses et les obstacles nombreux pour obtenir justice.
Il faut être une guerrière ou un guerrier.
Tout est fait pour décourager les victimes. La lenteur du processus, la lenteur de la justice, le sentiment de honte, le doute, les délais de prescription, le manque de preuves C'est à croire qu'il n'y en a jamais assez, de preuves.

Quoi ? Tu n'as pas gardé les SMS ? Tu aurais dû faire des captures d'écran et les sauvegarder sur ton PC au format JPG dans un dossier protégé par un mot de passe tout en assurant une copie sur une clé USB.
Ah bon ? C'était juste des messages vocaux ? Et tu ne les as pas conservés ? Pourquoi tu as effacé ton répondeur ? Pourquoi tu ne les as pas enregistrés au format MP4 puis gravé sur un CD-Rom ?
Tu es sûre qu'il t'a frappée ? Parce que le coquard que tu as là, ça ressemble plus à un coin de porte qu'à un coup de poing... Je dis ça, je dis rien.
C'était il y a 15 ans ? Bah bon courage hein, ça va être parole contre parole... Parce que réussir à se souvenir qui faisait quoi et où il y a 15 ans, c'est pas gagné.
Il est puissant tu sais... Il a le bras long et un réseau d'influence. Il va te broyer. Tu devrais lâcher l'affaire et s'il te propose une transaction financière, tu devrais accepter.
Tu dis qu'il t'a violée ? Mais tu étais consciente ou pas ? Tu avais bu? Tu étais sapée comment ? Il y avait du monde ? Tu as des témoins ? T'as pris une douche ?!? Mais pourquoi t'as fait ça ??? On ne prend jamais de douche après un viol, tout le monde sait ça.
Ouais, enfin c'était ton mec hein. Dix ans de vie commune et tu nous dis qu'il t'a violée quelques fois ? T'es sûre que c'est pas plutôt parce que t'avais pas envie et que t'as fini par céder ? C'est pas vraiment un viol dans ce cas hein.

Bref. Les exemples de découragement et de pression ne manquent pas. Impossible d'en faire la liste.
Et donc là, présentement, on a une collaboratrice parlementaire qui a subi pendant plusieurs mois le comportement de porc de son patron, un député.
Coup de fil du boss :
"Tu bosses ou tu te touches là ?"
Normal. La base. C'est tout à fait les codes de langage qu'un député doit adopter vis-a-vis de sa collab.
Et alors qu'elle regarde ses mains et son vernis écaillé :
"C’est à force de branler des mecs et de te faire gicler sur les mains."
Mais bien sûr ! Evidemment ! La bienveillance et la sollicitude du boss ! Et si elle s'était plainte d'un mal de dos, il lui aurait répondu que c'est parce qu'elle a abusé de la levrette. Normal.
Donc, elle s'est battue. Elle n'a rien lâché. Et son ex-collègue non plus. Et ils ont gagné. Après plusieurs mois (années même...) de bataille judiciaire.
Il a été condamné. Et pas qu'un peu. Reconnu coupable de deux licenciements abusifs et de harcèlement sexuel. Victoire !

Oui mais non.

Parce que bien sûr, il fait appel.
Parce que bien sûr, les déclarations et les réactions qui ont suivi ont minimisé le verdict en mode "laisse tomber, c'est les Prud'hommes, on s'en fout".
Du côté d'En Marche, on n'en avait déjà rien à carrer au moment de l'ouverture du procès en novembre dernier, et aujourd'hui, même combat. Gilles Le Gendre, Président du groupe LREM à l'Assemblée, a fait savoir qu'aucune sanction ne serait prise à l'encontre de Stéphane Trompille:
Les faits reprochés à Stéphane Trompille justifient le respect pour ses collaborateurs qui s'en estiment victimes.
Alors, non, en fait, ce n'est pas une "estimation", mais un fait avéré.
"Par ailleurs, Stéphane Trompille a fait appel de ce jugement."
Ah ben ouf alors! Dans la République en Marche, si tu marches sur le côté et que tu ne votes pas comme un Playmobil sans cervelle, tu es viré.
Mais si tu harcèles sexuellement et que tu vires tes collabs sans motif valable, mais que tu fais appel, tu peux rester dans le groupe des Playmobil.
Finalement, face au tollé provoqué par l'inertie de Gilles Le Gendre, celui-ci a gentiment demandé à Stéphane Trompille de "se mettre en retrait" du groupe. Lequel, dans sa grande mansuétude, a accepté.
En revanche, "se mettre en retrait", on sait pas trop ce que ça veut dire. Il va rester dans le groupe mais faire de la figuration ? Il ne va plus siéger et se faire oublier tout en percevant ses indemnités ?

Et soudain... Marlène Schiappa

On a donc guetté la réaction de Marlène Schiappa, Ministre de la Grande Cause Nationale. Et on n'a pas été déçue. On a eu un tweet :
Réaffirmons un principe: la protection des femmes fait partie de l’ADN d'En Marche !
Aussi toute personne condamnée définitivement pour harcèlement sexuel ne peut, à mon sens, pas se revendiquer du mouvement. #NeRienLaisserPasser"
Tout est dans le "définitivement". Le poids des mots, le choix des mots. Bravo Madame la Secrétaire d'Etat en charge de l'égalité femmes-hommes...
Donc si Stéphane Trompille fait appel, qu'il est à nouveau condamné et qu'il repart en cassation, il peut rester dans "le mouvement" ?
C'est ça? J'ai bon?
Allan Barte sur Twitter
Alors que, non seulement, il mériterait d'être viré d'En Marche, mais il mériterait en plus d'être démis de son mandat... Ah oui mais ça, ça n'est pas possible. 

C'est pas comme si sur le site du ministère de la Secrétaire d'Etat aux tweets, il n'était pas écrit noir sur blanc :

Réagir peut tout changer.

Ou pas.

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6 commentaires

  1. Figure-toi, chère consœur, que je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton billet. La présomption d'innocence doit être respectée dans tous les cas et depuis le #metoo, ça ne devrait plus être cas pour les histoires qui touchent au cul. Aussi bien, les deux lascars ont inventé les faits (je ne le crois, je pense que le type est coupable). C'est un des fondements de la démocratie. A la limite une des conditions absolue : on ne peut pas pouvoir exclure un ennemi politique pour des sujets non définitivement établis par la justice. Sinon, toute la démocratie et toute la liberté est en jeu.

    C'est ainsi, par exemple, que j'ai défendu Cahuzac jusqu'à ses aveux.

    La position de Le Gendre est mesurée : le lascar n'est plus autorisé à prendre la parole au nom du groupe mais il n'est pas exclu. Il reste légitime parce qu'il a été élu (dans des conditions que l'on connait) par le peuple.

    Par ailleurs, ce n'est pas une histoire de viol (même si j'ai aussi défendu DSK) mais de harcèlement. Si elle n'a pas gardé les preuves, malgré tes propos, tant pis pour elle. On ne peut pas accuser un type sans preuve sinon toute personnalité pourrait être détruite. Et comme ça n'est "que" une histoire de harcèlement (non officialisée par la justice), il ne faut pas prendre cela comme une atteinte à la condition féminine à laquelle je te sais attachée (c'est même toi qui m'a convaincu de la justesse de revendications féministes il y a quelques années).

    Pour en terminer avec la fin de ton billet, oui, ça sera à la cour de cassation de trancher, probablement. Mais s'il n'y a pas de loi indiquant les conditions dans lesquelles un élu doit voir son mandat arrêté (pour les raisons dont on parle), il ne faut pas qu'il soit démis de ses fonctions.

    Sinon, un élu venu à un KdB pour parler à des blogueurs et reprenant sa voiture avec avec 0,9 grammes devrait être viré.

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    1. Alors...
      Pour le coup, il a été condamné et jugé coupable le 20 mai dernier. Il fait appel, grand bien lui fasse. Mais il ne peut donc plus être considéré comme innocent ou alors ça veut dire qu’un jugement aux Prud’hommes n’a absolument aucune valeur.
      Ensuite, la plaignante que je connais personnellement, a conservé les preuves.
      Les citations que j’ai mises dans la seconde partie de mon billet sont des choses lues et entendues par des victimes de violences sexuelles, viols ET/OU harcèlement sexuel.
      Je sais parfaitement qu’on ne peut pas démettre un député de son mandat et je trouve ça regrettable.
      Dans un job "classique" (fonction publique au hasard), le type serait viré. Je parle toujours de harcèlement sexuel hein, dans le cadre professionnel sur les heures de travail avec un rapport hiérarchique entre le harceleur et la harcelée.
      Je ne parle pas d’un prof ou d’un élu qui rentre bourré chez lui en dehors de ces heures de boulot.
      Donc en effet, on n’est pas d’accord et je sais parfaitement que, venant de toi, notre désaccord n’est pas une atteinte à la condition féminine.

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    2. Ah mais je fais des atteintes à la condition féminine si je veux.

      Plus sérieusement, je ne regrette pas que l'on ne puisse pas démettre un député facilement.

      Un tel désaccord s'arrose !

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    3. Oui ça s’arrose !
      Blague à part, je ne dis pas qu’il faut virer les députes facilement.
      Je dis (enfin pas moi, la justice) qu’il es coupable et qu’on est en droit d’exiger que nos élus ne soient pas des délinquants sexuels condamnés PENDANT l’exercice de leur mandat.

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    4. La justice dit qu'il est coupable mais le droit et la loi disent qu'il a droit à un appel.

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    5. En effet. Donc en attendant, dehors.

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