J’ai appris que porter un vagin ruine une carrière, une vocation, une vie (Mathilde, étudiante à Saint-Cyr)
- 23.3.18
- Par Elodie Jauneau
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Libération a lancé un pavé dans la mare de la Grande Muette en publiant les témoignages de plusieurs femmes étudiantes au lycée militaire de Saint-Cyr.
On y apprend qu'un groupuscule de lycéens à tendance facho a fait du harcèlement, des violences sexistes et sexuelles, un mode de vie, un code d'honneur entre mâles post-pubères qui ont vocation à défendre notre pays au sortir de cette grande école.
On y apprend aussi que l'une des victimes a alerté le Président de la République en décembre dernier et que sa lettre est restée sans réponse.
On y apprend que ce lycée est n'est ni plus ni moins qu'une machine à broyer les femmes: harcèlement moral, intimidations, insultes, humiliations, marginalisation, coups bas, tout est permis ou - à défaut d'être permis - tout est officieusement admis "sans que le commandement ne bouge d’un orteil".
On y apprend aussi que le Ministère des Armées s'est engagé à faire interdire les "sketchs douteux" qui ont traditionnellement lieu pendant la "Soirée 2S" (2S: 2 décembre du calendrier saint-cyrien qui célèbre la bataille d'Austerlitz). S'ils s'y atèlent avec autant de zèle que d'autres avant lui pour mettre un terme aux bizutages foireux et sordides qui perdurent dans nombre de grandes écoles, on a du temps devant nous.
On y apprend surtout que l'Armée reste un milieu misogyne où les clichés et les stéréotypes de genre restent la règle, où officiellement les femmes ont leur place - comme partout ailleurs dans la société - mais où, officieusement, on fait tout pour qu'elles en sortent.
Parce que l'Armée, tu comprends, c'est pas pour les tapettes ni les gonzesses.
Parce que comme l'écrivaient déjà certains dans les années 50: "Jamais la femme ne sera l’égale de l'homme dans ce métier, quoi qu'elle fasse. La femme soldat est un être hybride et asexué". (Bellone, juillet-août 1957).
Parce que comme l'a déclaré pas plus tard qu'hier le Général Chavanat, en visite à Laval, à propos de la place des femmes dans l'Armée:
On ne peut pas dire qu’elle est en corrélation parfaite avec la vie civile. L’une des raisons est que les spécialités proposées sont relativement incompatibles avec une vie de mère de famille ou parce que les engagements dans la durée peuvent poser des difficultés.
Parce que les femmes sont forcément des mères de famille en devenir et qu'elles sont faibles par nature, elles n'ont rien à faire dans l'Armée.
Parce que militaire, c'est pas un métier de gonzesse.
Et que si toi, faible femme, tu décides de contrarier ta nature en choisissant un métier d'homme, un vrai, ne viens pas te plaindre si tu es ensuite maltraitée, violentée, harcelée, insultée, humiliée.
On m'a plusieurs fois demandé pourquoi j'avais choisi comme sujet de thèse "La féminisation de l'Armée pendant les guerres (1938-1962)". La réponse était que j'avais lu un jour un témoignage d'une femme militaire qui dénonçait le sexisme et la misogynie intrinsèques de l'Armée et que j'avais voulu me pencher sur ces pionnières qui en ont forcé les portes, devançant les lois et contraignant la Grande Muette à se féminiser.
A la lecture de ce papier de Libé, je retrouve donc tous les codes, tous les rituels, tous les préjugés et les stéréotypes que j'ai croisés dans les archives du Service Historique de la Défense pendant 6 ans.
Et je vous épargnerai les réactions d'une certaine extrême-droite sur les réseaux sociaux qui crie au complot gauchiste n'ayant pour seule ambition que de salir les symboles du patriotisme français.
Mais on pourra néanmoins saluer la solidarité des fachos 2.0 avec les fachos de Saint-Cyr.