C’est notre faute. C’est le monde que nous avons bâti.

Muriel Deacon, Years and Years


Je viens de retomber sur ce billet de blog entamé il y a un an et resté coincé dans les brouillons.
J'étais encore plus en colère qu'aujourd'hui car l'intro était carrément apocalyptique.
Donc je l'ai virée.
Mais, en synthèse, ce qui suit résume assez bien mon état d'esprit... Un an après le début de la rédaction de ce billet, donc.

Plus ça va et moins je tolère le monde dans lequel on vit. Plus ça va, et plus j'ai envie de tout casser.
Plus ça va, et moins je supporte la passivité et la médiocrité face aux défis qui nous entourent et nous attendent encore.
Plus ça va et moins je supporte le chacun pour soi, le je m'en foutisme, le par-dessus la jambisme, l'égoïsme, le advienne-que-pourra-après-moi-le-déluge.
Je suis à peu près convaincue qu'on est en "fin de race" car j'ai quand même sérieusement l'impression que l'homo sapiens sapiens, sapiense plus grand chose.
Et je suis à deux doigts de regarder pour la 3ème fois, la série Years and Years (2019), mais j'ai dans l'idée que ça ne m'aidera pas à relativiser.
Je conclurai donc avec le monologue de la grand-mère, Muriel, en 2029 (car cette série qui se voulait dystopique sur 15 ans, est en fait parfaitement contemporaine de notre quotidien actuel).

"Il n’a pas été facile ce siècle. Plus difficile que je ne l’aurais pensé.
Les banques, le gouvernement, la récession, l’Amérique, Madame Rook, la moindre chose qui a mal tourné est votre faute.
Nous sommes tous responsables, individuellement, chacun de nous, on passe notre temps à tout mettre sur le dos des autres, on fait le procès de l’économie, on reproche un peu tout à l’Europe, à l’opposition, à la météo, on se prétend victimes des différents événements que nous inflige l’histoire comme s’ils étaient hors de contrôle, comme si on était tous démunis, fragiles, et tout petits. Mais ça reste toujours notre faute.
Vous savez pourquoi?
Vous voyez le t-shirt à 1£, celui qui coûte 1£ seulement, on ne peut pas y résister, et aucun d’entre nous n’y résiste. On voit le t-shirt qui coûte 1£ et puis on se dit "Oh une super affaire, il me le faut" et évidemment on l’achète. Sûrement pas pour sortir en soirée. Mais c’est un chouette t-shirt pour l’hiver à mettre en dessous d’un pull. C’est tout.
Et le gérant du magasin va toucher 5 malheureux pence pour ce t-shirt. Et un petit paysan dans son champ va être payé 0,01 pence. Et on trouve ça bien. Nous tous. En payant ainsi 1£, nous participons à ce système tout au long de notre vie.
J’ai vu que les choses ne tournaient pas rond quand ça a commencé dans les supermarchés au moment où ils ont décidé de remplacer toutes les caissières par des caisses automatiques.
Ça vous énerve, ça vous horripile. Peut-être mais vous n’avez rien fait contre ça ! Il y a 20 ans quand ils les ont mises en place, vous avez fait demi-tour? Vous avez écrit pour vous plaindre ? Vous êtes allés faire vos courses ailleurs ?
Non. Vous avez râlé, un peu rouspété, puis vous avez fait avec.
Maintenant, toutes ces femmes ne sont plus là. Et nous avons laissé faire ce qui leur est arrivé.
Et je pense que nous aimons ces caisses automatiques. C’est tout ce que nous voulons parce que ça nous permet de flâner entre les rayons, de faire tranquillement nos courses et on n’a pas cette femme à affronter du regard, celle qui est moins bien payée que nous. Elle a disparu. On s’en est débarrassé. Virée. Bien joué.
Alors oui, c’est notre faute. C’est le monde que nous avons bâti. 
Félicitations.
Santé à tous !"

Et je fais mien chacun de ses mots… en prenant pour moi chacune de ses accusations aussi.

À celles et ceux qui me demandent pourquoi je ne blogue plus des masses, vous avez un bout de réponse. Je passe mon temps à gueuler, mais je préfère le faire sur le terrain qu'ici, finalement...

Une façon pour moi de vous épargner en quelque sorte !

22 commentaires

  1. Elle exagère, votre copine Muriel : les caissières à figure humaine sont encore très majoritaires dans les hangars-à-bouffe.

    Et puis, elle a fait quoi, elle, pour empêcher l'automatisation ?

    Dernière chose : comment pourrions-nous être "fin de race"... puisque les races n'existent pas ?

    DG

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    1. Faut regarder la série (dystopique je le rappelle) pour comprendre le décalage entre Muriel et son époque.
      On ne dit pas "race humaine" ? J'apprends un truc, là.

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    2. Non, on doit normalement parler de "l'espèce" humaine.

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    3. Cela dit, avant d'être décrété tabou par ceux que la race obsède, le mot était largement polysémique...

      DG (qui a omis de signer son précédent commentaire)

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    4. Et bien je tâcherai de dire que nous sommes en fin d’espèce alors.

      Elo

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    5. On n’est pas plutôt en fin de genre ?
      NJ

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  2. Didier est plus rapide que Nicolas.
    Je commente pour les blogs, qui ne sauverons pas l'omo sapiens, mais qui nourrissent l’IA qui finira bien par régenter ces humains et ainsi pour pouvoir évoluer, elle.

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  3. J'avais l'impression que le monologue était beaucoup plus long. Tu as pris un extrait ? En tout cas, ce passage m'a énormément marqué.

    À la différence de toi, je ne gueule pas sur le terrain. Je prends sur moi plutôt que de donner des torgnoles aux cons. C'est épuisant.

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    1. Ma maman dit que je le suis radicalisée… donc je pense que c’est sur le terrain car elle n’est pas très connectée 😅

      Peut-être l’ai-je coupé 🤔 je ne sais plus.

      Comme ce billet moisissait dans mes brouillons, je n’ai pas vérifié 😅

      Elo

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  4. Je crois pour moi c'est le contraire, dans une certaine mesure. J'étais beaucoup plus "enragée" avant, en tout cas plus dans la lutte, l'envie de changer les choses, la croyance que c'était possible aussi.
    Aujourd'hui, j'ai tellement de moins en moins foi en l'humanité que je ne sais plus si ça vaut la peine. Je suis toujours autant révoltée mais je me demande si toute cette énergie déployée pour sauver le peu de bien parmi toute cette atrocité, si c'est une bonne chose ... Je ne m'en suis plus capable. Et pourtant toujours autant écoeurée et révoltée par ce monde qui m'entoure.

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    1. Je comprends... J'ai moi-même souvent cette petite phrase qui résonne dans ma tête "à quoi bon ?"... Et puis c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher

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  5. Je ne pense pas que ce monde ait été bâti par nous, (ça permettrait d'espérer qu'on pourrait le changer), mais nous contribuons à le fabriquer.

    Il y a un article très intéressant sur France Info : "derrière le boom des intelligences artificielles génératives, le travail caché des petites mains de l'IA"
    https://www.francetvinfo.fr/internet/intelligence-artificielle/ils-profitent-de-notre-pauvrete-derriere-le-boom-des-intelligences-artificielles-generatives-le-travail-cache-des-petites-mains-de-l-ia_6466742.html
    Hélène

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  6. Caissière de grande épicerie c'est pas une vie. Laisser ça à une machine, pourquoi pas. Comme je ne regarde jamais les séries, je ne vois pas à quoi tu fais allusion. Pour ce qui est du sentiment de colère sur la société, je le comprends tout à fait : c'est l'âge. Je sens que plis je vieillis, et plus j'ai tendance à vouloir encore résister à tout ça. Tout le monde ne peut pas être le bambou qui plie etc... Mais c'est bien de nous remettre ta voix dans la blogrolle (les mecs vont dire que je fayotte un peu parce que t'es une fille) . Captainhak

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    1. Merci Captain.
      Je te conseille néanmoins de la regarder... C'est vraiment une excellente série. Vite pliée en quelques épisodes seulement.

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  7. Je suis dans le même état d'esprit. J'adore ton "fin de race" pour parler de l'espèce humaine.

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    1. Je le dis souvent.
      J’ai une pote qui déteste quand je dis ça, elle me dit que ça lui tord le bide.
      Mais quand je vois les aberrations et les dérives dont les humains sont responsables, je me dis vraiment qu’on est au bout d’un cycle, qu’il faut y mettre un terme, pour recommencer autrement.
      Vraiment.

      Elo.

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