S'attaquer au chômage, ce n'est pas s'attaquer aux chômeurs


Depuis quelques semaines, on assiste à une espèce de petite compétition sordide à qui sortira la petite phrase la plus polémique sur le chômage et ses moyens pour y remédier.

D'Emmanuel Macron qui affirme mordicus qu'il suffit de traverser la rue pour trouver un job, à Damien Adam qui soutient qu'on peut se payer des vacances aux Bahamas "grâce" à l'assurance chômage, en passant par Laurent Wauquiez qui considère qu'on profite de la vie quand on est au chômage en plus d'être un assisté, cancer de la société, ou plus récemment plusieurs membres du Gouvernement qui viennent de ressortir une vieille marotte de la droite : exiger des contreparties de celles et ceux qui perçoivent des aides sociales, on n'a que l'embarras du choix. Ah ! Et j'allais oublié cette brillante idée de plafonner les allocations de retour à l'emploi (ARE) pour les cadres (qui cotisent comme tout le monde -cela dit en passant - pour avoir l'immense privilège de péter dans la soie de leurs lits à baldaquin quand ils sont au chômage).

On passera sur la dernière sortie de Muriel Pénicaud, Ministre du Travail - excusez du peu - qui est partie en roue libre sur les devoirs de soins médicaux pour les allocataires du RSA. Sortie à laquelle personne n'a rien compris d'ailleurs.

Il y a des personnes qui sont au RSA qui, par exemple, ont de gros problèmes de santé. La contrepartie, ça peut être d’accepter de se soigner.

Le point commun à toutes ces petites phrases ?

S'attaquer aux chômeurs et aux travailleurs précaires en leur renvoyant en pleine face leur responsabilité si le taux de chômage perdure à un niveau élevé. 
Leur faire porter le poids du déficit de l'assurance chômage en mode:

Si vous vous bougiez un peu plus pour trouver un job, on n'en serait pas là, à cause de vous, bande de feignasses.

Entre deux sorties inintelligibles et imbitables, Muriel Pénicaud nous a aussi ressorti le fameux laïus des droits et des devoirs de celles et ceux qui s'engraissent sur le dos de la société.

Edouard Philippe s'est même interrogé, tout dubitatif qu'il est, sur les contreparties qu'on est en droit de demander à celles et  ceux qui s'équipent en high-tech et en écrans plats dans toutes les pièces de leur HLM grâce aux aides sociales:

Est-ce que cette solidarité peut s'accompagner de contreparties, d'activités d'intérêt général ? Qu'est-ce qu'on demande à ceux qui bénéficient de la solidarité, est-ce qu'on demande quelque chose, et si oui, quoi ?

On marche sur la tête. Ces gens qui nous gouvernent ont-ils la moindre idée de ce qu'est la vie d'une chômeuse ou d'un chômeur ?

C'est essayer de rester digne quand tout le monde parle de ses journées de boulot harassantes.

C'est essayer de faire l'impasse sur tous-tes celles et ceux qui te rabâchent à longueur de journée que:

Quand on veut travailler, on peut hein. Faut se bouger le cul. Du travail, il y en a !

C'est essayer de ne pas avoir honte quand on dit aux gens qu'on est au chômage.

C'est assumer de voir les regards gênés et compatissants de celles et ceux à qui on vient de répondre qu'on était un cancer de la société.

C'est se remettre en question continuellement sur ses études, sa formation, ce pourquoi ont pensait être fait depuis des années et qu'il faudrait envoyer balader d'un revers de main parce que tu comprends, ça recrute pas dans ta filière, c'est bouché.

C'est renoncer à un resto entre potes, à un ciné.

C'est se priver de vacances un an, puis deux, puis trois.

C'est vivre pendant 2 à 4 mois selon les situations, sans un rond, pas un euro entre la fin de son CDD et le déclenchement des ARE.

C'est paniquer quand la fin des droits arrive, au bout de deux ans dans le meilleur des cas.

C'est renoncer à aller chez le médecin ou le dentiste parce qu'on ne peut pas avancer 23 € ou 100 € quand on n'est trop riche (870 € par mois d'ARE) pour "bénéficier" de la CMU. Et quand bien même on aurait droit à la CMU, c'est sans compter le nombre de médecins qui la refusent.

C'est kiffer les mois de 31 jours parce qu'on va toucher 30 balles de plus.

C'est détester le mois de février parce qu'on va toucher 60 balles de moins.

C'est réussir à ouvrir un crédit revolving à 3000 balles quand on est encore salarié et qu'on se dit que ça va bien nous aider quand on sera au chômage.

C'est se forcer à se lever tous les matins à une heure normale en dépit du fait qu'on sait pertinemment que ce sera encore une journée sans. 
Une journée sans réponse aux 100 candidatures spontanées envoyées la semaine précédente. 
Une journée sans rendez-vous avec son conseiller Pôle Emploi. 
Une journée sans offre d'emploi. 
Une journée sans une tune. 
Une journée déprimante.

C'est ça la vie au chômage.

C'est la merde. 

C'est la déprime absolue. 

C'est un sentiment permanent d'inutilité crasse. 

C'est ce désir déraisonnable d'avoir envie de retrouver la routine tellement détestable du métro-boulot-dodo.

C'est le sentiment d'être pris pour un con par Pôle Emploi qui t'envoie des offres d'emploi complètement débiles et hors de propos, quand ce ne sont pas tout simplement des offres d'emploi auxquelles tu n'es même pas éligible.

Le chômage en France, c'est :

  • Une ARE médiane à 950 € par mois
  • Soit 50 % des chômeurs qui touchent moins de 950 €
  • 1 personne sur 2 indemnisée qui travaille
  • 1 chômeur inscrit à Pôle Emploi sur 3 qui travaille
  • Un plafonnement des ARE à 6300 € par mois qui ne concerne que 0,02% des allocataires
  • 85 % des chômeurs qui cherchent activement un job
  • Les 15 % restants n'étant, pour la plupart, pas indemnisés
  • Source

Alors... Mesdames et Messieurs les Ministres, les Député-e-s, frappé-e-s d'une illumination le matin au réveil, posez-vous la question de la responsabilité, de la vraie vie des vrais gens au chômage, demandez-vous qui sont les vrais responsables de leur situation à eux, à elles, à ces hommes et ces femmes qui, du jour au lendemain, se retrouvent mis au ban de la société parce qu'ils n'ont plus de boulot et qui sont quotidiennement montré-e-s du doigt comme étant des profiteurs du système, des assisté-e-s, des cancers de la société.

Demandez-vous ce que vous avez loupé, où ça déconne dans le système.

Posez-vous deux secondes la question du dysfonctionnement délirant de Pôle Emploi et de son incapacité crasse à aider les chômeurs à retrouver un boulot. 

Posez-vous la question de ces employeurs qui leur renvoient tous les jours le trop plein de qualifications pour le poste ou le manque d'expériences pour le job.

Prenez le problème dans le bon sens.
Vous verrez.
Ça vous évitera de dire pas mal de conneries. 

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1 commentaires

  1. Comme je suis un relativement vieux citron je me souviens fort bien des débuts de l'industrialisation du chômage.

    « Le tournant de la rigueur » avec « la désinflation compétitive » plus « la politique du franc fort ». Une « parenthèse » de trente-cinq années de langue de bois et de promesses non tenues.

    MOTS

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