Mercredi 15 fĂ©vrier 2012 « Oui chui candidat Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle. »
Avec sa classe et sa solennitĂ© habituelles, Nicolas Sarkozy met fin Ă un pseudo suspense auquel seule l’UMP croyait, en dĂ©clarant officiellement sa candidature aux PrĂ©sidentielles de 2012.
Depuis des semaines, tous-tes les lieutenant-e-s UMP rĂ©pondaient inlassablement « je ne sais pas » Ă cette question, alors que depuis des semaines Nicolas Sarkozy sillonne la France… Remember « CamĂ©ra ? Pas camĂ©ra ? »…
Mais Nicolas Sarkozy l’affirme : il ne ment pas aux Français « matin et soir ».
Bon il reconnaĂ®t quand mĂŞme qu’il a pris sa dĂ©cision « depuis plusieurs semaines […] parce que la situation de la France, de l’Europe et du monde […] fait que ne pas solliciter Ă nouveau la confiance des Français, ce serait comme un abandon de poste ».
Nicolas Sarkozy, prĂ©sident de la France, de l’Europe et du Monde : classe et solennitĂ©.
Mais moi j’aimerais bien qu’il l’abandonne son poste. D’ailleurs si j’ai dĂ©rogĂ© Ă la règle en regardant le JT de TF1 contrairement Ă mes habitudes, c’est parce que je nourrissais l’espoir au fond de moi de l’entendre dire « Nan chui pas candidat Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle ». Comme il nous l’assène rĂ©gulièrement, l’espoir fait vivre…
« Est-ce qu’on peut imaginer le capitaine d’un navire dont le bateau serait en pleine tempĂŞte dire « eh bien non, je suis fatiguĂ©, je renonce, j’arrĂŞte » ?
Oui, oui, je confirme : on peut l’imaginer, on peut mĂŞme l’espĂ©rer. Ce n’est pas un aveu de faiblesse que de reconnaĂ®tre qu’on n’est plus Ă la hauteur et qu’on ne contrĂ´le plus la barre du navire. N’exagĂ©rons pas quand mĂŞme Monsieur Sarkozy, la France c’est pas non-plus le Titanic… Enfin, faire ce genre de rĂ©fĂ©rence un mois après le naufrage du Concordia, fallait oser : chapeau !
Ă€ la question « Est-ce que vous avez accĂ©lĂ©rez le rythme de votre entrĂ©e en campagne? », Nicolas Sarkozy rĂ©pond quatre fois NON.
Pour rappel :
- 10 janvier : Lille
- 12 janvier : Amboise
- 13 janvier : Espagne
- 15 janvier : Ariège
- 17 janvier : Rhône et Isère
- 19 janvier : Guyane
- 20 janvier : Marseille
- 24 janvier : CĂ´te-d’Or
- 31 janvier : Salon des Entrepreneurs Ă Paris
- 1er fĂ©vrier : RĂ©sidence du Regard Ă Mennecy (« Candidat ? Pas Candidat ? »… « CamĂ©ra ? Pas CamĂ©ra ?)
- 3 février : Tarn
- 7 février : Haut-Rhin
- 10 février : Issy-les-Moulineaux
- 13 février : Isère
Bon OK, les ¾ de ces dĂ©placements sont consacrĂ©s au « vĹ“ux du PrĂ©sident » mais avouons que ça tombe assez bien… Les vĹ“ux du PrĂ©sident sont sans aucun doute les « devoirs » auxquels il fait rĂ©fĂ©rence. Car « le prĂ©sident en place a plus de devoirs que de droits »… Trop dur… FrustrĂ© Nicolas Sarkozy ?
« J’ai considĂ©rĂ© que deux mois Ă ĂŞtre Ă la fois prĂ©sident chaque fois qu’il le faudra – et c’est mon devoir – et candidat pour que cette campagne soit utile aux Français, qu’ils puissent choisir, que les vraies questions soient posĂ©es, que les vrais dĂ©bats soient engagĂ©s, c’Ă©tait suffisant ».
LĂ je dois avouer que – une fois n’est pas coutume – je suis assez d’accord. Sauf que j’ai des doutes sur ces « vraies questions », ces « vrais dĂ©bats ». Quels sont les faux ? Quels sont ceux qu’il faut relĂ©guer au second plan ?
Nicolas Sarkozy avoue qu’« on peut pas tout faire en cinq ans »…
- Comment dans ces conditions arriver Ă poser les vraies questions et les vrais dĂ©bats en seulement deux mois ?…
- Rattraper le temps perdu ?
- Enfin s’intĂ©resser aux vrais problèmes des Français-e-s ?
- Sait-il seulement lesquels ils sont ?
Il dĂ©clare qu’il a longuement rĂ©flĂ©chi avant de proposer sa candidature aux Français-es. « Imposer », vous voulez dire Monsieur le PrĂ©sident ?
Parce que sauf erreur de ma part, la candidature de Nicolas Sarkozy aurait dĂ» faire l’objet d’un congrès de l’UMP.
- Article 49 des statuts de l’UMP : « Le PrĂ©sident de la RĂ©publique, Ă nouveau candidat, et qui souhaite le soutien de l'UMP se soumet au vote du Congrès »
- Article 14 : « le Congrès (...) choisit le candidat soutenu par l'Union Ă l'Ă©lection Ă la PrĂ©sidence de la RĂ©publique ; Ă©tant entendu que pour l'Ă©lection prĂ©sidentielle il n'y a pas d'investiture d'un parti politique »
Donc oui, il s’est un peu imposĂ© quand mĂŞme et il a bien « dĂ©cidĂ© d’ĂŞtre candidat Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle » de façon un peu unilatĂ©rale, il faut bien le dire. Mais il a une excuse. Car s’il a dĂ©cidĂ© ça tout seul c’est parce qu’il a « des choses Ă dire aux Français, des propositions Ă leur faire ». Mais je ne comprends pas. Il a dĂ©jĂ proposĂ© et dit beaucoup de choses en 5 ans. Quoi de neuf alors ?
Alors après il explique quelque chose que je n’ai pas compris. J’ai l’impression quand je me penche sur la syntaxe de cette phrase qu’il y a comme un grand vide d’idĂ©es :
« c’est parce que j’ai des choses Ă dire aux Français, j’ai des propositions Ă leur faire, et que les changements que nous avons engagĂ©s, dans les cinq annĂ©es qui viennent, il faut que les Français comprennent que la question essentielle qui est posĂ©e, c’est celle que si la France est forte, ils seront protĂ©gĂ©s ».
« Les changements que nous avons engagĂ©s, dans les cinq annĂ©es qui viennent » : j’ comprends pas. Soit il s’y voit dĂ©jĂ … Soit il ne dit pas quels sont ces changements… Bref.
« La France Forte », un slogan ? « Ce n’est pas une question de slogan. C’est une question de conviction ». Ah pardon… J’ai encore mal compris.
Ensuite, il explique que la Mère Patrie est un « bouclier » pour nous tous-tes.
Et qu’il ne faut pas opposer « l’avenir d’un pays et la situation des familles, le citoyen au pays ». Pourtant, ces 5 dernières annĂ©es, j’ai l’impression que c’est un peu ce qui s’est passĂ© non ? La France en Europe, la France dans le monde…
J’ai pas vraiment ressenti le poids du bouclier sur mes Ă©paules, j’ai pas non plus senti qu’on me protĂ©geait de l’Ă©conomie globale. Par contre des Ă©conomies personnelles, il aurait bien fallu que j’en fasse.
Sauf que c’est quoi exactement des Ă©conomies ? Si on se fie aux dĂ©finitions de base, c’est « mettre de cĂ´tĂ©, Ă©pargner ou capitaliser »… OK. Donc je retire ce que je viens d’Ă©crire… Car je n’ai pas rĂ©ussi Ă Ă©conomiser le moindre centime depuis 5 ans… Par contre, les sacrifices personnels, ça je les ai bien sentis passer oui.
Ces 5 dernières annĂ©es, j’ai au contraire eu le sentiment que la France Ă©tait divisĂ©e, que les Français-e-s Ă©taient divisĂ©-e-s :
- Riches contre pauvres,
- Français « de souche » (alors mĂŞme que cette expression ne veut strictement rien dire mais bon) contre immigrĂ©s,
- Travailleurs-es contre chĂ´meurs-es
- Jeunes contre vieux
- Public contre privé
- Patrons contre employé-e-s
- Civilisations contre civilisations
- Imposables contre non-imposables
- Racaille contre vie paisible
- Grévistes contre les non-grévistes
- France qui se lève tôt contre France qui ne se lève pas
Alors oui, j’insiste, le bouclier de la Mère Patrie ressemble davantage Ă un bouclier fiscal…
Mais cette tĂ©lĂ©-dĂ©claration prĂ©sidentielle Ă©tait aussi parsemĂ©e de lapsus… On en fait tous-tes certes, mais lĂ ceux de Nicolas Sarkozy Ă©taient assez drĂ´les il faut bien l’avouer. Lorsqu’il dĂ©veloppe cette histoire de bouclier, il conclut par un « c’est ça le jeu… C’est ça l’enjeu ». Ă€ moins que ce ne soit pas un lapsus et qu’il s’agisse d’un nouveau slogan : « La France forte – c’est ça le jeu, c’est ça l’enjeu »… Ça fait rĂŞver.
Le second lapsus a failli transformer le prochain quinquennat en septennat : « ForcĂ©ment, si les Français me font confiance, ils me confient un second… sept … euh… Un second quinquennat, ce quinquennat ne sera pas conforme au premier ».
DiffĂ©rent le prochain quinquennat ? Le changement c’est maintenant pour les cinq ans Ă venir avec Nicolas Sarkozy ? Étrange… Mais pas tant que ça finalement puisque Nicolas Sarkozy rĂ©pète Ă l’envi qu’« on ne peut pas tout faire en 5 ans »… Pardon, mais il fallait nous prĂ©venir il y a 5 ans que le programme Ă©tait pour 10 ans… S’il savait il y a 5 ans que tout n’Ă©tait pas faisable, alors qu’il ne nous fasse pas croire aujourd’hui que cela ne fait que quelques semaines qu’il pense Ă briguer Ă second mandat.
L’interview passe ensuite en mode autosatisfaction, autocongratulation, bilan positif : « […] les changements. On en a fait, l’autonomie des universitĂ©s, la rĂ©forme des retraites, la rĂ©duction indispensable des dĂ©penses ». Et si la croissance est repartie au 4ème trimestre 2011 – tout est relatif hein, pas de quoi s’enflammer non-plus – et bien c’est grâce aux rĂ©formes. Et puis c’est tout. Compris ?
Alors il faut continuer… Mais la France est gangrĂ©nĂ©e par le chĂ´mage, alors il faut la soigner. Il faut certes indemniser les chĂ´meurs pour leur permettre « de faire vivre leur famille – il ne manquerait plus qu’on ne le fasse pas – mais surtout en leur donnant les moyens d’exercer un nouveau mĂ©tier ».
Un « nouveau » mĂ©tier… L’art de la reconversion. L’art du pragmatisme. L’art de la compĂ©titivitĂ©.
- Former les chômeurs à quels métiers ?
- La question mĂ©rite d’ĂŞtre posĂ©e non ?
- Et aux dépends de qui ?
- Des salarié-e-s qui pouvaient prétendre elles-eux aussi à une formation dans leur boîte ? Le bon vieux Fongecif ?
La vitrine argumentaire de Nicolas Sarkozy, c’est Lejaby. RĂ©cupĂ©ration politique. RĂ©cupĂ©ration Ă©lectorale. Dans un autre contexte, la reconversion de Lejaby dans la « maroquinerie de luxe » aurait-elle Ă©tĂ© possible ? Heureux hasard du calendrier : merci pour eux, merci pour elles. Et tant mieux que ces centaines d’ouvrières ne soient pas laissĂ©es sur le carreau. Tant mieux aussi que le calendrier de la campagne prĂ©sidentielle ait croisĂ© celui de la mort annoncĂ©e de Lejaby.
C’est la porte ouverte Ă Photowatt, Arcelor Mittal, Gandrange et Preciturn alors ? Euh… non pas tout de suite. Chaque chose en son temps : « rĂ©jouissons-nous quand on arrive Ă rĂ©gler des problèmes ! »
Donc, il faudra dĂ©finitivement tourner le dos Ă tout ce qu’on aura appris, Ă tout ce qu’on sait faire. Recommencer Ă zĂ©ro. Redescendre l’Ă©chelle de l’ascension professionnelle. Et oui ce sera obligatoire :
« Si on n’a pas de chance de retrouver un emploi dans son secteur, on vous proposera une formation dans des secteurs porteurs d’emploi, mais il faudra prendre cette formation et Ă l’issue de cette formation, il faudra prendre un emploi qui corresponde Ă la formation qu’on vous aura donnĂ©e ! »
« Porteurs d’emploi »… On les connaĂ®t Monsieur Sarkozy les secteurs porteurs d’emploi… Et on n’a pas forcĂ©ment envie de travailler pour eux… mais si on doit choisir entre ça ou le « mobile-home », entre la peste ou le cholĂ©ra, alors on choisira… Non pardon, on subira. Et on contribuera Ă ce qui vous tient Ă cĹ“ur Monsieur Sarkozy : la revalorisation du travail, l’Ă©panouissement personnel par le travail, la rĂ©ussite professionnelle par la compĂ©titivitĂ©. Le rĂŞve de tout-un-chacun.
« Il y a des droits, et puis il y a des devoirs ». On a le droit d’ĂŞtre indemnisĂ©-e-s mais on doit travailler. Et puis c’est tout. Sous la contrainte s’il le faut. Mais dans la joie et la bonne humer c’est mieux. « Le travail, c’est une valeur centrale ».
« Et puis il y a ceux qui n’en peuvent plus, parce qu’ils sont malades, parce qu’ils ont connu des accidents de la vie, parce qu’ils sont Ă©loignĂ©s de l’emploi depuis trente ans. Pour eux, on aura la solidaritĂ©. Mais l’assistanat n’a pas sa place ! La solidaritĂ© pour ceux qui ne peuvent pas travailler, la formation ou l’emploi pour ceux qui ont la force de travailler ».
Tiens, ça c’est nouveau par rapport au Figaro Magazine de la semaine dernière. Une nouvelle valeur Ă ajouter aux autres : la solidaritĂ©, valeur de droite. Après avoir ratissĂ© très Ă droite, ratissons un peu plus Ă gauche on ne sait jamais. Ça peut rapporter gros.
Nicolas Sarkozy veut que nous comprenions dans quelle situation nous sommes :
- « Une crise absolument sans prĂ©cĂ©dent, je devrais dire une succession de crises sans prĂ©cĂ©dent »
- « Des crises sans prĂ©cĂ©dent, Ă©conomiques sociales, financières »
- « La France ne peut pas faire comme si la crise n’existait pas »
- « Une succession de crises d’une violence inouĂŻe, sans doute inconnue depuis la Seconde Guerre mondiale »
La crise, les crises…
- Je crise,
- Tu crises,
- Il/elle/on crise,
- Nous crisons,
- Vous crisez,
- Ils/elles crisent.
Et puisque seule la droite semble l’avoir compris, alors il va de soi qu’aucun candidat de gauche ne peut rĂ©soudre la crise, l’Ă©quation, le problème de Maths… Parce que c’est bien de Maths dont il est question… Ă€ moins que je n’aie encore pas compris.
Enfin, Nicolas Sarkozy regrette, dĂ©plore, critique vertement les campagnes de dĂ©nigrement dont il est l’objet, les petites phrases assassines des camps adverses… Mais il se rattrape vite puisque peu de temps après cette tĂ©lĂ©-dĂ©claration, il accuse lui-mĂŞme son rival socialiste de mentir « matin et soir ».
Alors qu’en 2007, sur le plus grand moteur de recherche, Nicolas Sarkozy Ă©tait devenu « le trou du cul du web », aujourd’hui François Hollande est associĂ© Ă « un incapable de gouverner »… Mais pas de dĂ©nigrement on a dit…
Cette fin de semaine a Ă©galement Ă©tĂ© marquĂ©e pour Nicolas Sarkozy par l’inauguration de son modeste QG de campagne.
Modestie, humilité, classe et discrétion : on ne peut pas le louper, un portrait de plus de 8 mètres de haut du président sortant domine tout le quartier.
Non : je ne crois pas Nicolas Sarkozy… Mais cela n’engage que moi.
2 commentaires
Bravo !!!!!!!! et merci pour les liens ;)
RĂ©pondreSupprimerMerci! On fait c'qu'on peut comme dirait l'autre! !!
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