Quand la distance nous rapproche


J’ai passé le week-end chez Monsieur Fraises. Tout le pont de l’Ascension.
Je "connais" Monsieur Fraises depuis plusieurs années.
On s’est "rencontrés" pendant la campagne de François Hollande.
On a manifesté en vrai pour le mariage pour tous. 
Fin des guillemets, car on s’est vraiment vus. 
Dans cette même période, on s’est retrouvés dans les studios de la BBC à Paris pour défendre la candidature de François Hollande.
Depuis cette date, on est restés connectés. Avec des hauts et des bas. Avec des périodes de creux et de silences, entrecoupés de fortes interactions.

Puis Monsieur Fraises a quitté Paris pour Marseille et l’amour.

Quelques années plus tard, le confinement est arrivé. Je n’ai jamais cessé de lire Monsieur Fraises. J’ai toujours suivi ses aventures, d’abord parisiennes puis marseillaises, ses coups de cœur littéraires, ses petites tranches de vie qu’il raconte sans nul autre pareil sur son blog.
Avec ce satané confinement et le tout numérique qui a remplacé nos vraies interactions sociales, j’ai repris le chemin de mon blog avec un coup d’accélérateur.
Et les connexions avec Monsieur Fraises se sont faites plus nombreuses et plus complices.
Nico a commencé à organiser des visioKdB toutes les semaines. Le samedi à 18h30, il conviait les blogueurs et les blogueuses de notre cercle social ++.
Monsieur Fraises y participait aussi.
À force de papotages et de racontages de nos vies, il m’a dit que je pouvais venir à Marseille quand je voulais.
Mais toi-même tu sais : entre ce qu’on dit et ce qu’on fait, il y a parfois un gap.
Qui n'a jamais dit "Faudrait qu'on se fasse un resto un de ces quatre !" et le resto n'est jamais arrivé.
Qui n'a jamais dit "Mais je t'accueille quand tu veux" et n'est jamais allé là où l'accueil semblait pourtant chaleureux ?
Et puis, il m’a relancée.
Je me suis dit "Ah mais il plaisante pas, son invitation est vraiment sérieuse on dirait".
Un jour, je lui ai dit : "Méfie-toi, je vais vraiment débarquer".
Ce à quoi il a répondu:
"Mais on t’attend. Tous les trois".

Tous les trois : Monsieur Fraises, son mec et Kimberley.

C’est parti. On benchmark ensemble les billets de train pour Marseille. Mais on est alors en mars et la perspective d’un week-end hors de chez moi à plus de 10km semble quand même être un truc de punk.
Alors on vise le pont de l’Ascension. Plus de deux mois plus tard, on espère qu’on sera libérés, délivrés.
J’ai trouvé des billets hors de prix. Merci la SNCF. Je veux bien arrêter de prendre ma caisse mais faudrait voir à ce que l’alternative ferroviaire ne coûte pas plus cher que le trajet en voiture hein.
Heureusement pour moi, j’avais des chèques vacances inutilisés (les vacances n’ayant clairement pas été une activité très rentable ces derniers mois).
J’ai donc réservé mes billets et j’ai découvert qu’en 2021, en France, on ne peut pas régler ses billets achetés sur internet avec des chèques vacances.
Me voilà donc partie dans une gare proche de chez moi pour les "échanger" contre des bons vieux billets papier.

Le choc de simplification n’est pas vraiment passé par la SNCF.

Je te passe le détail des conditions d’annulation qui relèvent de la compréhension d’un docteur ès physique quantique.
Pleine d’espoir, je me dis que de toutes façons, on sera libérés mi-mai. Je n’envisage pas une seule seconde de devoir encore annuler quelques jours d’évasion à cause de cette pandémie.
Je croise les doigts, je brûle des cierges et je compte les jours.
(À ce moment-là de ma vie, j’ai atteint le plafond de verre de ma capacité de résilience).
Déconfinement, assouplissement des distances, le jour J arrive. Je me casse.
J’arrive à Marseille jeudi midi et je découvre alors un nid douillet tellement rempli de good vibes que j’ai envie de pleurer.
Deux heures plus tard, je vois la mer et j’ai envie de pleurer.
Il fait beau. Il y a un vent à décorner les bœufs mais je suis à Marseille avec Monsieur Fraises et plus rien n’a d’importance.
Son mec est un cuistot hors-pair. Moi qui étais arrivée au bout du bout de mon imagination et de ma motivation culinaire à force de rester chez moi matin, midi et soir, je me suis régalée pendant 4 jours.
Monsieur Fraises et son mec sont d’une gentillesse à tomber par terre. Généreux, gourmands et bienveillants, j’ai l’impression que je viens de rentrer d’une cure au pays des Bisounours.
Ils m’ont accueillie comme si je faisais partie de la famille, à la différence près que je n’ai rien eu le droit de faire. Même pas débarrasser une assiette.
Aux petits soins et tellement attentionnés que j’en étais tourneboulée.

Ces deux-là m’ont réoxygénée puissance 1000.

Et j’ai adoré Marseille. Et puis, comme tout était fermé - confinement oblige - je vais forcément devoir y retourner !
La dernière fois que j’y avais mis les pieds, je n’en gardais pas un bon souvenir. Pour des raisons personnelles, mon séjour avait été gâché.
Là, j’en ai pris plein les yeux.
Je me suis régalée, dans tous les sens du terme.
Pendant 4 jours, on a mangé, marché, crapahuté, rigolé, parlé littérature, jardinage, cuisine, films et séries, un peu picolé aussi. 
Bref. La vraie vie quoi.
Vendredi soir, on  a marseillisé le KdB avec Trub et Annie qui étaient dans le coin. La vie numérique reconnectée dans la vraie vie. C'était tellement bien. Avec Trub, on a réalisé que c'était la première fois qu'on se voyait en vrai. Alors qu'on est connectées depuis presque 10 ans. Annie, c'était la première fois que je la revoyais depuis 2-3 ans je ne me souviens plus, lorsqu'elle était "montée" en région parisienne et qu'on s'étaient retrouvées au KdB - le vrai cette fois-ci - à la Comète avec la bande habituelle.
Confidence pour confidence, on était tellement contents de se retrouver qu'on avait oublié qu'il y avait encore le couvre-feu en vigueur.
On est rentrés vers 22h30 avec l'impression que rien ne pourrait gâcher ce moment.
Et rien ne l'a gâché.

Hier, j’ai cru que j’allais pleurer en quittant Monsieur Fraises, son mec et Kimberley.
Distanciation sociale de merde oblige, on s’est pas fait de bisous. Mais le cœur y était. Tellement.

Je reviendrai. C’est promis.

Cette parenthèse enchantée a un goût de reviens-y. 
Pas question de rester sur cette faim.

Et surtout, plus question de se / me / te promettre des choses qu'on ne fera pas.

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29 commentaires

  1. Tu reviens quand tu veux, y a plein d'autres coins à visiter, et d'autres recettes à cuisiner... Aussi paradoxal que cela puisse paraître, quand tu a quitté l'appartement avec mon homme comme accompagnateur jusqu'à la gare, j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose, ou plutôt quelqu'un : Toi.

    Comme si d'un coup, le calme et le silence, contrariaient ce pétillement permanent qui fait partie de la belle personne que tu es, et dont nous avons profité à 200 % durant 4 jours...

    Alors pour éviter tout "CRAQUAGE" ! ou qu'on ne se ronge les "ONGLES" (des mains je précise) trop longtemps, pense à revenir dès que tu peux, dès que tu veux, et ce ne sont pas des paroles en l'air.

    A bientôt, pour dégommer du "gabian" à grand coup d'espadrilles ! :-)

    Tellement content d'avoir partagé ces moments.

    Cœur sur toi !

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    1. Ahaha... Haaaaan, je vais pleurer !!!

      Plein de cœurs sur toi aussi.

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    2. Le goût du sel sur ma barbe quand on s'est assis au pied du Mucem pour contempler la mer. Les gabians qui se moquaient de nous parce qu'on avait ôté nos masques pour respirer l'immensité. Le festival de couleurs avec les graffs, avec la flore au Frioul. Les grimaces pour dire fuck à l'adversité. Toutes les âneries, toutes les choses sérieuses que nous avons dites. Ton regard émerveillé devant les trottoirs végétalisés. L'accolade pour t'accueillir, l'accolade pour te dire au revoir. Comme on a aimé ces quatre jours en ta joyeuse compagnie !

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  2. Nous sommes tous des bisounours et fuck les cons ! ( Méfies-toi des pac-mans ! )…

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  3. « j’ai l’impression que je viens de rentrer d’une cure au pays des Bisounours. »

    Et le plus effrayant, c'est que ç'a l'air d'être vrai…

    Question subsidiaire : comment pouvez-vous être assez masochiste pour emprunter le train si vous avez la chance de posséder une 'tomobile ?

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    1. Sans doute parce que passer 8h en bagnole pour 4 jours de congés, ça me semblait un peu con.

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    2. 2 jours de voyage en voiture et 2 jours de congés sur place, c'est un concept :-)

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    3. Ce doit être mon côté "vieil ours nauséabond". Moi, au stade où j'en suis, j'aurais fait le trajet aller en deux jours, avec halte dans un "Relais et Châteaux" auvergnat, par exemple, puis encore deux autre jours pour le trajet retour, par un autre itinéraire, de façon à pouvoir tester un second "Relais et Châteaux". Ce qui m'aurait évité toute "vie sociale" intempestive.

      Mais bon : on n'est pas obligé de me ressembler. (Et même, je crois que c'est préférable.)

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    4. Sans aucun doute (pour la dernière phrase).
      Pour le reste : 4 jours de congés, c'est pas 8 jours hein !

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    5. J'avais bien compris ! Mais, avec ces quatre jours "à ma façon", ça permettait de ne passer qu'une seule et unique soirée chez mes amis, ce qui me paraît le maximum tolérable (et à condition de NE PAS dormir chez : quoi de plus déprimant que de se réveiller ailleurs que chez soi ?).

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    6. J'avais oublié que vous étiez un mix entre l'ours et l'ermite.

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    7. Farpaitement ! Et ça n'a rien à voir avec mon âge canonique : mes parents m'ont toujours raconté que, quand j'avais trois ou quatre ans, et qu'on allait passer la journée chez des amis à eux, je me montrais systématiquement pénible, limite infernal. Mais que je redevenais instantanément charmant dès qu'on m'asseyait dans la voiture pour le trajet du retour à la maison.

      (Mais pourquoi est-ce que je raconte ça, moi ?)

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    8. J'ajouterai, pour conclure, que, sans m'vanter, je suis un mix entre un ermite accueillant et un ours impeccablement léché…

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    9. On va tout savoir sur la jeunesse de pépère...

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    10. On va tout savoir sur l’enfance de pépère.

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    11. C'est marrant, je suis comme pépère, je n'aime pas dormir chez les autres.

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    12. Évidemment… moi aussi je préfère dormir chez moi.
      Mais si on va par là, on bouge plus jamais de chez nous…

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    13. Ce que je veux dire c'est que j'aime bien rendre visite à des amis ou à la famille mais je préfère dormir à l'hôtel.

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    14. « Mais si on va par là, on bouge plus jamais de chez nous… »

      Mais si : il suffit de se réserver une suite dans l'hôtel le plus proche. Ou une "chambre d'hôtes" si on est un salaud-de-pauvre.

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    15. Bah non... ça restera toujours le lit de quelqu'un d'autre

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    16. Pas d'accord : à partir du moment où vous louez une chambre d'hôtel, ça devient "chez vous", même si seulement pour une nuit. Exactement comme est "chez vous" l'appartement que vous ne faites que louer également.

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  4. On mange donc très bien chez Monsieur Fraises, je note! :)

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  5. Aucun rapport avec ce billet-ci, mais il m'a semblé que vous pourriez être intéressée par cette analyse de La Familia grande, livre dont vous avez parlé à l'époque et que, pour ma part, je me suis bien gardé de lire.

    (Je dis : "intéressée", pas forcément "convaincue", n'est-ce pas…)

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    1. Intéressant en effet. Pas d'accord avec tout évidemment. Mais intéressant néanmoins.

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