Et alors que revoilà l'ennemi public n°1 : l'anonymat sur internet

Anonymat sur internet

La diffusion des sextos de Benjamin Griveaux sur la place publique du web relance une vieille lubie : la fin, la mort, la levée, l'abolition de cette abomination qu'est l'anonymat sur internet et les réseaux sociaux.

Bullshit !

Parce que Benjamin Griveaux a été victime d'un revenge porn (passible de 60 000 € d'amende et 2 ans d'emprisonnement), ce sont tous les internautes qu'on souhaite punir.

Le déferlement de haine sur les réseaux sociaux et le web, le cyberharcèlement, le scandale lié à la "Ligue du lol", et maintenant "l'affaire Griveaux", relancent - et c'est un mal pour un bien - la lutte contre ces fléaux numériques qui minent nombre d'utilisateurs et d'utilisatrices, le tout dans un contexte de lutte contre les fake news.

Mais parmi les moyens évoqués pour lutter contre ces délits, l'un d'entre eux est brandi comme un étendard et comme la solution à tous nos problèmes, celui de l’interdiction de l'anonymat.

Hygiène démocratique

Cette mesure est notamment promue par le Chef de l'Etat lui-même qui affirmait, il y a quelques mois seulement, que la levée progressive de l'anonymat était une question "d'hygiène démocratique"

Et elle revient régulièrement sur le devant de la scène comme étant le seul moyen pour mettre un terme à ces pratiques souvent dangereuses pour celles et ceux qui en sont victimes.

D'ailleurs, il n'est pas rare d'assister à des clashs entre internautes, certains anonymes, d'autres non. Les premiers appelant les seconds à faire preuve de courage dans leurs opinions en s'affichant sous leur véritable identité.

Eric Dupont-Moretti, Richard Ferrand, Alain Duhamel... On ne compte plus les personnalités publiques qui conspuent la lâcheté des anonymes sur les réseaux sociaux, depuis trois jours.

Mais brandir l'identité réelle comme seul rempart à ces fléaux numériques est un leurre. Pour preuve, certain-e-s internautes bien identifié-e-s ont des pratiques tout aussi détestables sur les réseaux sociaux, que celles et ceux qu'on appelle les "trolls anonymes".

Et pourtant... Ces internautes ne sont pas anonymes.

Un anonyme, c'est quelqu'un qui ne signe pas, qui est indétectable, introuvable, et qui ne laisse aucune trace de son identité réelle.

Le web et les réseaux sociaux ne sont pas le royaume des anonymes. Ce sont ceux des pseudonymes.
C'est pourquoi, le Chef de l'Etat et tous-tes les pourfendeurs de la levée de l'anonymat se trompent de combat. Et c'est aussi pourquoi il convient de parler de pseudonymat et non pas d'anonymat.

Aujourd'hui, à moins d'être un crack en informatique, des gardes-fous existent pour utiliser les réseaux sociaux : un numéro de téléphone, une adresse mail, une adresse IP...

Quand on veut retrouver l'identité réelle d'un pseudonyme, il suffit de s'en donner les moyens légaux et judiciaires à la hauteur. Voilà ce que serait une véritable politique de lutte contre la haine et le harcèlement en ligne.

S'attaquer à l'ensemble des utilisateurs en envisageant d'interdire les pseudonymes n'est rien d'autre qu'un aveu de faiblesse, une solution de facilité et une porte ouverte dangereuse vers un contrôle de nos libertés individuelles sur internet.

Qui n'a pas un jour été sous pseudonyme sur les réseaux sociaux pour des raisons personnelles, pour se protéger des regards malveillants, pour éviter le stalking de ses collègues ou de ses supérieurs ?

Qui n'a pas un jour décidé de revenir au pseudonymat justement parce que, sous sa réelle identité, il ou elle était harcelé-e ad hominem alors qu'il ou elle voulait seulement tweeter ou partager ses opinions en toute tranquillité ?

Interdire le pseudonymat ou militer contre son usage, c'est s'attaquer à nos libertés et prendre le problème à l'envers.

En revanche, doter l'État de moyens à la hauteur du combat en travaillant de concert avec les services judiciaires, les services de police, les fournisseurs d'accès à Internet, les agences du numérique... etc., afin de mettre un terme et de sanctionner réellement celles et ceux qui déversent quotidiennement leur haine sur internet, voilà un projet ambitieux... et rassurant pour tout le monde.

Hadopi en son temps a été moquée, contournée, ridiculisée tant elle ressemblait davantage à une usine à gaz qu'à une Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. 

Et pourtant, les internautes ayant reçu des avertissements se comptent par milliers, voire par millions (près de 1,4 million en décembre 2018). 

Aussi imparfaite soit-elle, Hadopi est la preuve que, quand on se donne réellement les moyens de détecter les comportements inappropriés sur le web, l'identification, l'avertissement ou la sanction sont possibles, sans pour autant toucher à nos libertés individuelles, dont l'usage du pseudonyme fait partie.

Alors plutôt que pousser des cris d'orfraies à chaque scandale sur les réseaux sociaux, nos responsables politiques feraient mieux de se donner vraiment les moyens de lutter efficacement et intelligemment contre la haine, le harcèlement en ligne, le revenge porn, sans pour autant écorner nos libertés, trop souvent mises à mal dans les projets de lois qui fleurissent chaque jour au Parlement.

Les trolls en marche !

Par ailleurs, celles et ceux qu'on entend le plus et qui semblent si attachés à la levée de l'anonymat, au premier rang desquels Emmanuel Macron et En Marche!, risquent de perdre un sacré paquet de  leurs soutiens, porte-flingues, trolls hyperactifs, hyperagressifs, souvent hyper borderline, et qui ont adopté des méthodes dignes de bots sans cerveau.

_____________

Inspirations

Vous aimerez aussi

9 commentaires

  1. Bobiyétoussa.

    Comme tu dis il y a une confusion entre le pseudonymat et l’anonymat mais on n’explique jamais assez les raisons du pseudonymat. Chacun a les siennes. Deux exemples :
    - un blogueur de gauche ne voulant rien pas que ses lecteurs sachent qu’il est dirigeant d’entreprise du CAC40,
    - un blogueur de gauche ne voulant pas que ses collègues et patrons tombent sur l’activité politique.

    Je rentre dans la deuxième catégorie. Pendant des années, j’ai fait en sorte qu’une recherche « Nicolas Jégou » dans Google ne tombe pas sur mes blogs. J’ai même créé un compte Twitter NicolasJegou et un blog du même nom pour faire diversion (ça a bien marché). Par contre, j’ai sur mon blog, déclaré avec mon vrai nom chez mon hébergeur, un cartouche « graphique » (pour ne pas être repéré par Google) avec mon vrai nom.

    Et je pense qu’on insiste pas assez sur les raisons concrètes du pseudonymat avec des exemples à la clé.

    Benjamin Griveaux pourrait très bien tenir un blog de cul mais ne pas vouloir qu’une recherche Google sur le nom du candidat tombe sur lui. Et n’importe qui pourrait le comprendre sans passer par la case « c’est bien fait pour sa gueule ».

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait !
      Moi-même j’ai été anonyme pendant plusieurs années rapport à mon job à l’université.
      Merci d’avoir complète mon propos hein !

      Supprimer
  2. Lutter contre la haine… À partir du moment où, désormais, on peut mettre à peu près n'importe quoi sous ce mot devenu valise (et même malle), cela revient en fait à pourchasser les opinions divergentes… en se contentant de les qualifier de "haineuses".

    Pour ce qui est de l'anonymat ou du pseudonymat (j'avoue ne pas bien comprendre les différences que l'on établit entre les deux, mais bon), c'est devenu une sorte de "marronnier" d'internet. Comme ça me fatigue un peu, j'ai décidé de ne plus avoir le moindre commencement de début d'ébauche d'opinion sur le sujet !

    Ouala.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Lutter contre la haine… À partir du moment où, désormais, on peut mettre à peu près n'importe quoi sous ce mot devenu valise (et même malle), cela revient en fait à pourchasser les opinions divergentes… en se contentant de les qualifier de "haineuses"."

      Vous dites un ptit peu n'importe quoi là, non ?

      Supprimer
    2. Je n'ai pas l'impression, non. Mais ça reste possible, bien sûr. Il ne vous semble pas, à vous, que depuis quelque temps, n'importe quelle critique devient, sous la plume des adversaires de la critique, une "incitation à la haine" ?

      Supprimer
    3. Nan, mais vous vous êtes un con bas de plafond avec vos airs de dandy littéraire.

      Supprimer
    4. Didier Goux => Non je n’ai pas cette impression.

      Supprimer
    5. À vrai dire, ma question était toute rhétorique…

      Supprimer