"Liberté de Conscience": un rappel qui tombe mal

La nuit porte conseil.

Après avoir tenté de comprendre hier, pourquoi cette "Liberté de conscience" avait généré un bad buzz, après avoir moi-même rédigé un billet en forme de coup de gueule, après avoir RT aussi bien les blogs qui la défendent que ceux qui sont tombés sur le cul en entendant François Hollande la remettre sur la table à la conférence de l'AMF, je vais en rajouter une couche.

Voilà en substance la déclaration qui a créé le bad buzz:
"Les maires sont des représentants de la loi. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais, je le dis aussi, vous entendant, des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies. Et il y a toujours la liberté de conscience."
Hier donc, j'ai moi aussi contribué à ce bad buzz. J'ai, sur les conseils de Mlle Peg, lu les tweets de Maître Eolas, fort instructifs comme souvent, et qui ont servi de support au dernier billet de Dedalus que je vous invite à lire. Et il ne m'en voudra pas, j'espère, de le citer presque in extenso:
En invoquant la liberté de conscience des maires, François Hollande ne viole pas la légalité, il rappelle une banalité. Un maire n’est jamais tenu de célébrer un mariage en personne. Il peut déléguer à ses adjoints. Et si ses adjoints sont aussi cons que lui, le maire peut donner délégation à un conseiller municipal ou à un fonctionnaire communal – qui lui, en tant que fonctionnaire, ne peut invoquer la liberté de conscience.
En revanche, un maire qui refuserait toute célébration d’une union homosexuelle dans sa mairie serait passible d’une peine de 3 ans prison. Mais en cas de blocage,  d’impossibilité de célébrer le mariage dans une mairie, un juge administratif se fera un plaisir de condamner la commune à célébrer le mariage sous astreinte. 
C'est un rappel utile et je ne me dédis pas en précisant que je suis d'accord avec la théorie.

J'espère juste que dans la pratique, il n'y aura aucun abus de liberté de conscience et qu'on ne va se retrouver à être obligé de voter une loi comparable au DALO du genre "Droit au mariage pour tous opposable". Parce que réussir à se marier quand on est gay en passant par la justice, c'est quand même un peu moche

Donc, dans l'absolu, c'est quoi cette Liberté de Conscience que certains semblent avoir découverte hier?
"La liberté de conscience pourrait alors se caractériser par la faculté laissée à chacun d'adopter librement les doctrines religieuses ou philosophiques qu'il juge bonnes, et d'agir en conséquence de ce choix". (source)
Donc, la liberté de conscience s'applique à tout le monde: et pas qu'aux maires cela va de soi. Et elle exclut toute contrainte religieuse ou toute contrainte idéologique.

D'où mes questions - qui sont donc les mêmes que celles que je pose depuis hier :
  • Y avait-il besoin de rappeler une banalité solidement ancrée en France depuis 1905, et sans cesse renforcée depuis, dans le contexte actuel?
  • Les maires sont-ils vraiment inquiets?
  • Ont-ils vraiment peur de devoir marier des homos avec un couteau sous la gorge?
  • François Hollande a-t-il conscience que cette déclaration, finalement inutile puisqu'elle ne fait que réaffirmer des concepts républicains ancestraux, tombe mal niveau timing?
  • Se rend-il compte qu'il relance (malgré lui?) le débat déjà vif et violent?

Et puisque la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, où s'arrête la liberté de conscience?

Alors évidemment, on peut aussi y voir une forme de stratégie. On peut aussi penser qu'en rappelant une banalité, François Hollande anticipe sur une éventuelle fronde des maires récalcitrants à marier les gays et les lesbiennes en 2013.

On peut.

On peut aussi se dire que si cette loi avait été présentée, examinée, votée et débattue plus tôt, on aurait ainsi coupé l'herbe sous le pied des cathos intégristes, des lobbys religieux, de l'opposition et des maires inquiets dans la foulée.

On aurait ainsi évité évité ce tweet de merde de Christine Boutin qui relance le débat:

Christine Boutin

On aurait aussi évité la prolifération de sondages de merde comme celui-ci:


La loi aurait donc été adoptée avant cette conférence à l'AMF et ce rappel historique et législatif sur la liberté de conscience serait passé inaperçu.

Bref, tout est question de timing. 

Et pour finir, mes sources d'inspiration et de réflexion:

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6 commentaires

  1. Depuis le début, j'entends beaucoup de monde dire "il aurait fallu le faire plus tôt, couper l'herbe sous les pieds des intégristes, éviter les relents homophobes d'un débat".

    Je ne suis pas d'accord. Je pense que le débat sur l'égalité est au moins aussi important que la loi. Je crois que c'est parce que la haine et l'intolérance abjecte s'exprime, que l'opinion publique, qui elle n'est jamais haineuse, évolue dans le sens d'un progrès des mentalités.

    Je suis contre le fait de faire une loi de cette importance, à la va vite, dans l'obscurité d'un petit placard, ce même petit placard dans lequel les homos ont eu trop longtemps à se cacher.

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    1. Je ne suis pas pour le "à la va vite"... Mais plus tôt. Juste plus tôt. Avec une mise en chantier en août par exemple et un débat de 2 mois, ce serait plié.

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  2. Je respecte ton avis. Beau billet.

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  3. Je vais faire deux remarques :
    1. Il y a de la part de twittos de gauche une volonté de créer des polémiques qui ne servent à rien.
    2. Je me demande bien pourquoi l'Elysée a tweeté ce passage...

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    1. De quelques twittos peut-être. Mais il y a surtout des infos, des phrases qui suscitent aussi le scepticisme.
      Et oui on se demande bien pourquoi l'Elysée à tweeté ça.

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