Verdun. 100 ans.


"Depuis huit jours, les corvées de soupe ne reviennent plus. Elles partent le soir à la nuit noire et c'est fini, elles se fondent comme du sucre dans le café. Pas un homme n'est retourné. Ils ont tous été tués, absolument tous, chaque fois, tous les jours, sans aucune exception. 

On voit là-bas un mort couché par terre, pourri et plein de mouches mais encore ceinturé de bidons et de boules de pain passées dans un fil de fer. On attend que le bombardement se calme. On rampe jusqu'à lui. On détache de son corps les boules de pain. On prend les bidons pleins. D'autres bidons ont été troués par les balles. Le pain est mou. Il faut seulement couper le morceau qui touchait le corps.

Voilà ce qu'on fait tout le jour. Cela dure depuis vingt-cinq jours. On mange n'importe quoi. Vers le soir, un copain est arrivé avec un rat. Une fois écorché, la chair est blanche comme du papier. Mais, avec mon morceau à la main, j'attends malgré tout la nuit noire pour manger. 

On a une occasion pour demain : une mitrailleuse qui arrivait tout à l'heure en renfort a été écrabouillée avec ses quatre servants à vingt mètres en arrière de nous. Tout à l'heure, on ira chercher les musettes de ces quatre hommes. Ils arrivaient de la batterie. Ils doivent avoir emporté à manger pour eux. Mais il ne faudrait pas que ceux qui sont à notre droite y aillent avant nous."

J. Giono (1895-1970), Écrits pacifistes, Gallimard, 1978.

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7 commentaires

  1. Si tous ces malheureux pouvaient voir dans quel état on a mis la France pour laquelle ils se sont battus ; pays sali ruiné avili humilié envahi dépravé détraqué perverti

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  2. Depuis quand l'impeccable conscience de gauche que vous êtes cite-t-elle des écrivains à forts relents pétainistes ? Un p'tit coup de mou ?

    Sinon, plutôt que Giono (que je prise assez peu je dois dire, et encore moins quand il verse dans les âneries pacifistes, je conseillerais à toute personne désirant lire un magnifique roman sur cette guerre-là le Clavel soldat de Léon Werth, reparu voilà quelque temps aux éditions Viviane Hamy.) ; Werth qui, d'autre part, a tenu un journal remarquable durant la guerre suivante : ça s'appelle Déposition et c'est aussi chez Viviane Hamy, qui a prouvé par là qu'elle était capable de publier nettement mieux que les pitreries de Mme Vargas (laquelle a oublié qu'il fallait aussi être Llosa…)

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    1. Mais qu'est-ce que c'est que cette phrase interminable et hautement merdique, avec ces parenthèses qui se baladent n'importe où ? Putain d'Adèle, on dirait du Gauche de Combat dans le texte ! C'est limite fout-la-trouille…

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    2. Un petit coup de mou?

      Sinon, heureusement qu'on ne s'interdit ni de lire ni de citer les auteurs de la Première Guerre mondiale au seul prétexte qu'ils auraient viré pétainistes 25 ans plus tard hein...

      Quant aux autres ouvrages, celui que je préfère est sans conteste A l'ouest rien de nouveau, de E.M Remarque. Oui je sais, ce n'est pas très original.

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    3. Remarque, j'ai essayé : rien à faire pour moi. Et ça fait tellement longtemps que je ne saurais même pas dire pourquoi.

      Sinon, en dehors de Léon Werth, il y a Maurice Genevoix aussi.

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