Déconfinement. Episode 2. Confit de tribunes déconfinées

Depuis plusieurs jours (semaines? On a beau être officiellement déconfinés, j’ai toujours un petit souci de rapport au temps...), des appels, tribunes, pétitions, injonctions, exhortations, fleurissent partout.

Mais vraiment partout: presse papier, blogs, presse en ligne, sites internet, réseaux sociaux. Ça fleurit comme les coquelicots, eux aussi déconfinés.

Le monde d’avant en mode yakafaucon est en pleine forme

Arnaud Montebourg est parti seul en tête dans une tribune dans Libé le 8 avril en se payant la une et en racontant pas mal de trucs intéressants, comme souvent avec Arnaud Montebourg. La gauche s’est agitée pendant 24 heures pour relayer cette tribune (sauf le Parti socialiste...), puis on est passé à autre chose comme c’est souvent le cas sur internet et les réseaux sociaux.

Nicolas Hulot a publié 100 principes pour un nouveau monde un mois plus tard. Une espèce de compilation de vérités absolues façon "la pluie ça, mouille", "aimons-nous les uns les autres", "la pollution c’est mal". Après avoir été Ministre du "nouveau monde" vanté par Macron, c’est cocasse. Rien de neuf sous le soleil. Nicolas Hulot nous a servi des poncifs comme tous les experts en greenwahsing à paillettes savent le faire. Il a été auditionné par le Parti socialiste dans la foulée.

Gloire! (ou pas).

Une excellente tribune sur les femmes en première ligne dans la lutte contre le Covid-19, femmes précarisées, sous-payées, invisibilisées, a été publiée dans Libé le 8 mai. Tout y est sur le sujet. Plusieurs dizaines de femmes, aide-soignantes, étudiantes, pâtissières, éditrices, caissières, soutenues par des députées françaises et européennes, ont rappelé que les femmes ne seraient plus jamais les bonnes petites soldates des guerres des hommes. Mais depuis, brassée dans le marasme du bruit médiatique, tout le monde, ou presque, est déjà passé à autre chose. Hélas.

Dans le même temps, Jean-Christophe Cambadélis qui ne sait plus quoi faire pour qu’on l’entende et qu’on l’écoute et qui s’agite depuis des mois, a lui aussi publié une tribune "avec un groupe d’économistes, de hauts fonctionnaires et de cadres du privé soumis au devoir de réserve une tribune pour une refondation économique de la gauche". Ne ris pas.

Et puis, soudain, le 14 mai, sortie de nulle part... Enfin si: découverte sur Twitter ou dans un message Messenger, je ne sais plus, une nouvelle tribune, "L’initiative commune", est apparue cette semaine. Pilotée par Christian Paul, avec l’appui du Parti communiste, du Parti socialiste (et dont je n’avais pas eu connaissance ni avant ni pendant), d’EELV, Génération.s, des Radicaux (anciens et nouveaux), et d’un grand nombre de figures illustres de la "société civile", elle a été massivement relayée par tous les grands médias français.

Je l’ai signée, j’assume. (Même si apposer mon nom à côté de celui d’un homme ayant tabassé sa compagne me pose un sérieux problème...)

L’Obs a fait le job. Il a relayé cette tribune en l’illustrant avec trois photos d’hommes. Olivier Faure, Ian Brossat et Yannick Jadot. 3 hommes pour illustrer une tribune signée par plus de 150 personnes. Good job. Le monde d’avant a encore de beaux jours devant lui dans le monde d’après.

Évidemment, on a gueulé dans Twitter:

Bravo L'Obs pour le choix de cette image. 150 signataires. 3 hommes pour illustrer votre article. Ça commence à être pénible que ce genre de réflexes ne chiffonne personne dans les rédactions.

Quelques minutes plus tard, ils ont donc modifié leur visuel en y ajoutant Najat Vallaud-Belkacem et Audrey Pulvar.

Oups.

Cette tribune est une réponse à une autre tribune (essaie de suivre hein... c’est déjà assez compliqué comme ça) de Julien Bayou, patron des verts, qui appelait à organiser des "universités du monde d’après" et réfléchir ensemble à un projet de rassemblement, dans Le Parisien, le 13 mai.

L’union

Ah oui mais pas totalement en fait. L’union à gauche, oui, mais sans la France Insoumise. Bref, le physio à l’entrée de la boîte à été un peu sélectif.

Les raisons sont diverses. On lit ici ou là "Ouin ouin, je n’ai pas été sollicité, c’est lamentable" ou "pas question de signer une tribune pilotée par Machin" ou "C’est de la tambouille politicienne, ce sera sans moi!"

Sans parler ce celles et ceux en mode "WoooW ! C’est moi qui suis à l’initiative de l’appel à l’union de la gauche depuis deux ans"... "Oui mais moi, ça fait trois ans que j’appelle à l’union de la gauche!"

Bref... la routine quoi.

Les chefs et cheffes à plumes du monde d’avant ont encore de beaux jours devant eux dans le monde d’après.

Jamais la maxime d’un obscur philosophe de gauche de 1434 n’a été aussi vraie : "L’union ne se décrète pas".

En revanche, toujours pas de tribune, appel, ou pétition, pour réinventer les pratiques et les méthodes à gauche.

Comme le résume a parfaitement Romain:

Tout le monde est d'accord donc tout le monde continue de son côté. #APeuPrès

Et bon dimanche. Sous vos applaudissements.

Vous aimerez aussi

2 commentaires