Je me souviens, au Parti socialiste...



Eh ouais les gens... Encore un billet sur le Parti socialiste. Je sais ce que tu te dis : "La meuf, elle nous aura jamais autant parlé du PS que depuis qu'elle l'a quitté". Bah ouais, c'est un peu comme un vieux couple tu vois. Consommer la rupture, c'est aussi en parler.

Donc, je t'épargne d'avance: tu as le droit de partir avant la fin hein. Tu peux cliquer ici pour sortir.

Partir ou rester...

En même temps, on quitte pas un parti dans lequel on a milité neuf ans comme ça, du jour au lendemain. Moi, ça m'aura pris deux ans. Au moins. Ça faisait au moins deux ans que je ruminais et que je me demandais tous les jours pourquoi je restais, pourquoi je ne démissionnais pas, pourquoi...

Certain-e-s camarades me disaient: "Mais non. C'est important que tu restes. C'est important que des gens comme toi sois dans les instances nationales du parti. On a besoin de toi. Tu occupes un siège, c'est important." (gentils, les camarades hein).

D'autres me disaient: "Bah moi tu sais ce que j'en pense hein. Ce parti est cramé. Il ne sert plus à rien. Moi je vais laisser mourir mon adhésion tranquillement. Qu'est-ce que tu te fais chier à rester dans ce parti de merde?" (gentils aussi mais moins polis).

La désillusion

Je crois que j'y suis restée parce que je suis une grande naïve utopiste et optimiste (et inversement). Je crois que j'ai nourri l'espoir jusqu'à plus faim, d'être, non pas entendue (parce que bon, ça, vu que je parle hyper fort, je sais qu'on m'entend), mais écoutée. Je crois que j'ai espéré "peser" dans certains choix et certaines décisions. Je crois que j'ai aussi espéré être utile à mon parti et à mes camarades tout en me rendant compte chaque jour un peu plus que ça ne servait à rien, que je ne servais à rien. Je crois que j'ai attendu inlassablement un truc qui n'arriverait jamais: la Renaissance du parti, de ses pratiques et de ses méthodes.

[J'ai mis un R majuscule à Renaissance parce que c'était le nom de la motion (texte d'orientation de notre tambouille interne qu'on appelle "Congrès", et qui était portée par Olivier Faure. La motion hein, pas la tambouille... quoique...) que je soutenais en 2018.]

La déception

Je me souviens de ma réaction début 2019 quand j'ai appris qui avait été recruté au poste de Directeur de Cabinet d'Olivier Faure au Siège du PS. J'ai cru que c'était une blague. Mais non. Et en même temps, je n'étais pas si surprise que ça qu'il sorte par la porte de la Fédé de l'Essonne, et qu'il revienne par la fenêtre du parti. Je me souviens de mes camarades qui soufflaient de soulagement "Ouf, enfin ! Ça y est, on est débarrassés". Et je me souviens de ma réponse: "Ne dis pas ouf trop vite. Tu verras. On le reverra. Là où tu t'y attends le moins". Visionnaire, la meuf.
Je me souviens de l'absence totale de réaction d'Olivier Faure quand, pendant une grosse demi-heure au téléphone, je lui ai expliqué pourquoi ce n'était pas une bonne idée ce recrutement. Je me souviens quand il m'a expliqué qu'il avait besoin de quelqu'un pour "tenir les parlementaires" et que je lui ai répondu "OK. Tu préfères un DirCab pour tenir 80 parlementaires comme tu dis, plutôt qu'un DirCab pour tenir 30 000 militants ? C'est ton choix. Mais ne compte pas sur moi pour faire le service après-vente de ce recrutement." 

Le début de la fin

Je me souviens très bien de ce Bureau National du 26 mars 2019, celui où, après avoir acté en Conseil National que notre tête de liste aux Européennes ne serait pas socialiste (j'ai voté pour ce choix, j'assume), la liste des 40 premier-e-s socialistes nous était soumise au vote. Je me souviens très bien de ces noms, égrainées les uns après les autres, par les responsables de la Commission Théodule aux Élections nous expliquant qu'Untel a beaucoup fait pour sauver la gauche dans son territoire et que c'est important de lui donner une visibilité en le mettant sur la liste, que Machin est dans un territoire où la gauche est en mort clinique et que sa présence sur la liste est importante pour lui redonner du souffle (à la gauche hein, pas à la liste), que Truc a bien du mérite d'avoir reconquis telle fédé et que donc, c'est normal qu'elle soit sur la liste... 
Je me souviens qu'une Députée sortante, fort méritante, qui avait sillonné l'Île-de-France à maintes reprises pour rendre compte de son mandat, qui était de toutes les manifestations franciliennes, s'est fait jetée en l'air quelques heures seulement avant ce BN (pas le choco hein...) comme si elle n'était personne. Dans un langage moins châtié, j'ai même été jusqu'à dire qu'elle avait été "traitée comme une merde".
Je me souviens des camarades se présentant comme "les amis de Martine" dont certains - miracle des échéances électorales - avaient retrouvé le chemin du Siège du PS après des mois d'absence, pour voter contre cette liste car "il était absolument inadmissible que les amis de Martine soient aussi mal placés sur la liste". 

Je me souviens qu'on n'a pas beaucoup parlé d'Europe ce soir-là.

On a surtout parlé motions, sous-motions, sous-courants, écuries et fan-clubs, territoires, départementales et régionales à venir et donc de la nécessité d'implanter localement des futur-e-s candidat-e-s et de leur donner de la visibilité sur une liste européenne... Tu parles d'une visibilité. Je suis pas hyper sûre que les 6% d'électeurs et électrices de "notre" liste se souviennent du nom de celles et ceux qui vont maintenant se lancer dans les départementales ou les régionales à venir.
Je me souviens que j'ai pris la parole pour expliquer pourquoi je m'apprêtais à voter contre cette liste. Je me souviens des coups de pression: "Tu ne peux pas voter contre. Tu es membre de la direction nationale. Tu ne peux pas nous faire ça. Tu le regretteras." Je me souviens très bien avoir expliqué que je pensais naïvement que nos débats porteraient sur l'Europe, les compétences, la motivation, les combats à mener, les idées à porter au Parlement Européen et que je croyais qu'on m'expliquerait pourquoi telle ou telle personne était la plus à même de porter ce qu'on appelait alors "nos combats communs" au Parlement européen.
Je me souviens très bien que je leur ai dit que je ne pensais pas qu'une liste aux Européennes se construisait en fonction des motions, sous-motions, sous-courants, écuries et fan-clubs. Une camarade sénatrice est alors intervenue: "Tu es quand même au courant que tu es membre du BN au titre d'une motion?", ce à quoi j'ai répondu: "Parfaitement. Mais j'ai signé pour la Renaissance et la fin de la dictature des motions et du placement de produit. Pas pour ça. Pas pour cette liste de 40 socialistes dont seulement quelqu'un-e-s ont l'Europe chevillée au corps quand les autres sont seulement là pour acheter la paix des motions et des territoires. Je sais parfaitement pourquoi je suis membre du BN. Mais si cela ne tient qu'à ça, ça peut se régler très vite". Bon, j'avoue, ça m'aura pris deux ans. 

Du coup, j'ai voté pour la liste conduite par Yann Brossat le 26 mai suivant.

Ça avait pourtant pas trop mal commencé

Hier, j'ai fait du tri dans ma boîte mail après que Gmail m'a insultée en mode "Y a plus de place! Fais le ménage espèce de feignasse!"
J'ai donc supprimé - entre autres - tous les mails présents dans les dossiers "PS national" et "PS fédé". J'en ai profité pour me désinscrire des newsletters diverses en tout genre, de celle de la FNESR à celle du groupe socialiste à l'Assemblée, en passant par celle du PS (mais il a fallu que je m'y reprenne à trois fois puisque le lien de désabonnement dans leur newsletter ne fonctionne pas. Bref, quand ça veut pas, ça veut pas).
J'ai aussi jeté un œil au dossier spams, histoire de, et j'ai découvert qu'un mail du 9 février envoyé par la plateforme Théodule du "RDV2022" était tombé dedans. Comme quoi...
Et au milieu de tout ce fourbi, je suis tombée sur mon intervention à la tribune du 78e Congrès du PS en avril 2018. C'était clairement pas l'intervention de l'année ni du siècle. J'étais tétanisée. Mais je me dis aujourd'hui, trois ans plus tard, que, décidément, rien, absolument rien n'a changé et que je n'en retirerais pas un mot si ça recommençais demain. C'est dire...

"Mes cher-e-s camarades, Cher Olivier,
Je vais vous parler d'un sujet qui me tient à cœur, qui nous tient tous à cœur, sinon nous ne serions pas là aujourd'hui: les militants, le rôle des militants et notre militantisme.
La Renaissance n'est pas un vain mot parce que c'est aussi la renaissance militante qu'il faut engager.
Engager aussi la renaissance de la parole militante.
Rendre aux militants la place qu'ils n'auraient jamais dû quitter: celle du cœur du réacteur, du cœur du dispositif.
Les replacer au cœur de notre mobilisation, leur rendre leur force de proposition, leur force de décision.
Les militantes et les militants veulent être entendus, écoutés, consultés, concertés.
Combien de fois avons-nous entendu ces derniers temps :
"Nous ne sommes plus entendus. Nous ne sommes pas que des colleurs d'affiches. Des "boîteurs" ou des "tracteurs". Nous voulons décider. Nous voulons que nos décisions soient prises sen compte et nos votes respectés."
Eh bien nous y sommes, la Renaissance de la parole militante, c'est maintenant.
Cher Olivier, la tâche est immense.
Il va falloir permettre à nos militants, à nous, militants, à vous militants et militantes, de retrouver le chemin de la Renaissance certes, mais aussi de retrouver le chemin de nos sections, de nos fédérations, qu'elles soient à Marseille ou en Essonne, qu'elles soient à Mérobert ou à Orléans, qu'elles soient à Marseille ou a Estouches... [Ça, c'était un pari avec des camarades de l'Essonne, réussir à placer Mérobert et Estouches dans une prise de parole à la tribune du Congrès].
Car c'est uniquement en retrouvant le chemin de sections et des fédérations et en donnant, en redonnant, envie aux militantes et aux militants, de revenir dans les sections et les fédérations que nous arriverons à renaître. [Tu notes l'allitération en -re-]
Car ce n'est pas qu'un concept, c'est aujourd'hui un processus qu'il faut engager, toutes et tous engager.
On est tous les acteurs et les actrices de la Renaissance.
La Renaissance c'est vous, c'est nous.
Nous sommes tous-tes des militants exigeants, de gauche, réalistes.
C'est ensemble que nous reconstruirons ce parti, fort.
Cher Olivier, nous comptons sur toi pour nous redonner envie.
Nous sommes le Parti socialiste, et nous devons retrouver la fierté du poing et de la rose, ensemble.
Je profite des 15 secondes qui me restent pour remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour l'organisation de ce Congrès, les salarié-e-s de Solférino qu'on appelle entre nous, "les permanents" [Et dont, aujourd'hui, 1/4 d'entre eux se fait virer avec autant de classe que dans une boîte du CAC 40], le service d'ordre, tous les bénévoles et les militants qui sont là et également, les interprètes en langue des signes qui se relaient à trois depuis ce matin non stop, pour que tout le monde puisse suivre ce Congrès et [Ensuite j'ai un peu craqué la roue libre en remerciant celui ou celle qui tapait derrière son écran les sous-titres des prises de parole alors qu'on m'a expliqué après qu'en fait, c'était un robot.], et y compris celle ou celui qui est derrière son écran et qui tape inlassablement les mots de l'espoir et de la reconstruction du Parti socialiste".
Il y a tant à dire et tant à se souvenir sur ce qui déconne dans ce parti que deux billets n'y suffiront pas. Il y a donc fort à parier que tu auras la (mal)chance de t'en fader d'autres.

Car je pourrais te raconter la quantité de messages que je reçois depuis 15 jours de camarades qui craquent un peu partout, de fédés qui tanguent, de langues qui se délient et des coups de pression que reçoivent les uns et les autres quand ils ont le malheur de l'ouvrir. Je pourrais aussi te raconter comment la Fédé socialiste de l'Essonne a stocké les tracts d'un candidat aux législatives de 2017 qui n'était plus socialiste et qui s'appelait Manuel Valls. Je pourrais également te raconter comment des élu-e-s devenu-e-s ministres ou député-e-s ont continué à utiliser des moyens matériels ou financiers mis à leur disposition par leurs mairies avant qu'ils-elle ne deviennent député-e ou ministres mais qu'ils-elles ont conservés après, ou comment des collabs parlementaires bossent pour le PS sur leurs heures de taf parlementaire.

Pendant ces trois années dans les instances nationales du PS, on m'a accusée à plusieurs reprises de "dégueuler sur les réseaux sociaux", ce qui n'était évidemment pas le cas. 

J'ai donc du retard à rattraper.

12 commentaires

  1. Pas mieux ... c'est tellement loin de ce que à quoi on pouvait aspirer il y a si longtemps (3 ans !!!)
    Et malheureusement pour nous ça ne va pas aller en s'arrangeant !!!

    RépondreSupprimer
  2. Si tu continues à faire des billets sur ton départ du PS, je vais continuer à faire des billets sur ton élection ! ;-)

    RépondreSupprimer
  3. - J'approuve !
    - ma, tou approuves quoi ?
    - tout!
    - toi, tou a encore bou !
    - non je avais testé lé dosage di mon prochain limoncello ! ma j approuve ce qu elle a écrit la pétite. A force du faire des billard à 18 bandes, ils ont tous perdu la bussola : les militants.

    RépondreSupprimer
  4. J'ai quitté le PS il y a 5 ans en espérant y revenir un jour. Je comprends ce que tu ressens (même si je n'ai jamais été au CN). Je retrouve hélas dans tes propos un certain nombre des éléments qui m'ont fait partir. Que de gâchis! mais "We shall overcome"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui... un grand gâchis.
      Et beaucoup d’épuisement et de noeuds au cerveau.

      Supprimer
  5. Quand je te lis, je crois entendre Corinne Bord dans des formations internes pour les nouveaux arrivants organisées par NPS/NG en... 2003.
    Je crois même qu'elle avait invité... Delphine Batho. :-)

    Tout cela pour te dire, comme tu le sais, qu'il n'y a rien de bien neuf.

    Je crains même que ce fonctionnement soit celui de tout parti politique...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui je le crois aussi.
      Je crois que c’est partout, dans tous les partis en effet.

      Supprimer
  6. Hé, je suis sorti pour voir... j'ai bien ri. Pour le reste, je comprends ta position, mais tu dois aller de l'avant et nous dire exactement ce que tu comptes faire dans les 100 premiers de ton décennat contre la pluie et le mauvais temps... les français doivent savoir!

    RépondreSupprimer
  7. Tiens, j'ai retrouvé ma lettre de départ du Parti Socialiste. C'était le 11 décembre 2008.

    https://www.voie-militante.com/haute-normandie/parti-socialiste-eure/game-over-je-quitte-le-parti-socialiste/

    RépondreSupprimer