Balthazar sans gilet jaune, un premier roman qui envoie du bois



Je viens de terminer la lecture du premier roman de mon pote Boris. J'aurai mis le temps. J'ai toujours lu lentement.

Lire le roman d'un ami

C'es un drôle d'exercice que de lire le roman d'un ami. Car bien qu'il s'agisse de fiction, quand on connaît Boris comme je le connais, ses traces de vie personnelle, son vécu, son ressenti, la phrase placée ici ou là à dessein, sont partout. Le va-et-vient entre la fiction que tu lis et les discussions à bâtons rompus que nous avons eues dans la vraie vie sont partout, tout au long de la lecture.
Je suis admirative des gens qui, comme Boris, arrivent au bout de l'écriture d'un roman. Quand j'étais petite, je disais à qui voulait bien m'entendre (et m'écouter) que j'écrirais un livre un jour. Bon.. J'ai écrit une thèse et elle n'est même pas publiée. C'est pas tout à fait le même délire que ce que j'ambitionnais.
Boris est allé au bout. Au bout d'un roman qui, je ne peux en douter, a dû lui donner pas mal de sueurs froides. Il est allé jusqu'au bout du process, jusqu'à l'auto-édition. Son livre n'est donc, pour l'instant, disponible que "sur la plateforme du gars qui est allé dans l'espace dans une fusée en forme de bite", dixit Monsieur Fraises.

L'art de la narration

Ce premier roman est une narration quasi continue. C'est aussi peut-être pour cette raison que j'ai mis le temps d'une tortue à le lire. On a toutes et tous nos marottes. Moi, j'ai besoin de dialogues. Mais Boris, lui, il raconte. Il te raconte une histoire, comme Dumas ou Balzac avant lui. Et j'adore Balzac. Donc, en choisissant la narration quasi continue, Boris met la barre très haut.
La force de son écriture, c'est que même sans dialogue, il parvient à retranscrire les mots et maux de ses personnages. Autrement dit, c'est tellement bien écrit qu'il n'y a pas besoin de tirets cadratins ou de guillemets pour savoir de qui il parle, qui prend la parole et comment cette parole est prise. Je trouve ça fou. Et attention, je ne parle ni de discours rapporté ni de discours indirect. Je parle bien de narration.
Chapeau, l'ami, c'est magistral.

L'art de la métaphore

L'autre point fort de Boris, c'est la métaphore. Tout un art. L'art de la métaphore et de la comparaison. À chaque apparition du mot "tel", "telle", "comme" (ou même rien et c'est là qu'est tout l'art), tu sais que ce qui suit va être un régal d'imagination mais tellement évocateur du réel. Et je ne le dis pas parce que c'est Boris, mais je ne crois pas avoir jamais lu quelqu'un qui maîtrisait aussi bien la chose. Et j'adore les métaphores et autres comparaisons totalement saugrenues mais qui produisent l'effet escompté.
Comme celle-ci, par exemple :

Il entonne ça juste à côté de Gégé, qui le regarde avec la tendresse d’un quartier de viande accroché à un croc de boucher.

Ainsi s'achève ma critique littéraire, exercice que je déteste mais auquel je me prête de temps en temps dans ce blog pour partager mes coups de cœur littéraires.
Et comme de coutume, je citerai un extrait, la page 215. Et je laisse libre court à votre imagination pour deviner pourquoi c'est cette page-ci ma préférée.
Quant à la vidéo plus bas, celles et ceux qui auront lu le roman de Boris, comprendront...

Vivement le deuxième !

[Elle compte les colonnes de l’Automobile Club de France]. Il y en a douze, comme les signes du zodiaque. Et ne lui dites pas que c’est un hasard. Sa conjonction astrale est faite d’envie et de fureur, de sabots puissants qui galopent au-devant d’un destin audacieux et de flèches de passion décochées à la volée. Elle ne compte pas en rester là de ses amours déçues et poser en éternelle victime noyée de larmes. Les gilets et le rond-point ouvrent un nouvel épisode de sa vie sentimentale qui classe au chapitre antérieur sa rupture avec l’administration fiscale et son ex-mari. "Emmenez-moi au pays des merveilles…" Elle reprend le refrain spontanément, le cœur emporté par la mélodie murmurée par le grand balèze harnaché de son équipement de CRS. Et cette place est si vaste et froide à cette heure de la journée que l’égayer de chansons insouciantes confine à l’œuvre de salubrité publique tant la solitude pavée de cette immense espace finit par donner le bourdon. La chanson pompe dur l’aorte et la remplit de ce sang rouge écarlate qui bouillonne et fait tourner la tête. La salubrité publique n’est donc pas l’affaire que de comités sanguinaires, mais se décline aussi en chansons. Il se retourne, l’épaule pivotant avec l’assurance que lui offre sa stature avantageuse renforcée par son équipement. Et, sans trop de surprise, il lui sourit. La visière de son casque est relevée. Les plus de quarante ans auront reconnu dans ses dents éclatantes, dans le cuir de son blouson et dans cette mâle autorité siglée police, un possible Poncherello de la California Highway Patrol de la série télé "Chips".

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10 commentaires

  1. Ce qui m'a le plus plu c'est le narrateur taquin, provocateur, complice. Oui, pour les métaphores, il est très fort !

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  2. Vous aimez Balzac ? C'est un très bon point à votre actif ! Mais vous devriez savoir, alors, qu'il y a beaucoup de dialogues dans La Comédie humaine. Certains romans ne sont même composés presque QUE de dialogues (Un début dans la vie).

    Un petit conseil, avant de sortir : quand vous vantez le "sens de la métaphore" d'un auteur, évitez d'en donner un exemple, si vous voulez qu'on vous croie…

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    1. Dites donc, vieux rabat-joie, j’ai écrit « métaphore et comparaison ».
      Je sais encore faire la différence entre ces deux figures de style, hein.

      Pour le reste, oui, Balzac usait de dialogues abondants, mais j’ai écrit que j’étais fan des narrations de Balzac.

      Soit on a du mal à se comprendre,
      Soit vous êtes pompette quand vous lisez mes billets,
      Soit…

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    2. Au temps pour moi (à propos de métaphore/comparaison) : j'ai sans doute lu trop vite en effet.

      Quant au fond de l'affaire, autant en rester là : je m'en voudrais de briser le bel unanimisme louangeur qui entoure ce livre…

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  3. D'autre part, je vous rappelle que les mots "tel" et "comme" ne ressortissent pas du tout à la métaphore mais à la simple comparaison (qui a ses charmes aussi, d'ailleurs).

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  4. La métaphore est un art ô combien difficile et Boris Faure en est certainement l'un des vénérables maîtres, ciselant chaque image au rythme de ses rêves, de ses fantasmes et peut-être de ses peurs...
    Mais toi, ta plume puissante de critique littéraire me donne envie de le relire son bouquin !!!

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