Éric Zemmour, le Jean-Michel ÀPeuPrès de l’Histoire de France



Je viens de lire Zemmour contre l’Histoire, paru le mois dernier chez Gallimard dans la collection "Tracts".

L'Histoire VS le fantasme

16 historiens et historiennes y démontent point par point sur 57 pages les fantasmes négationnistes, révisionnistes, racistes et complotistes de Zemmour, qui s’est toujours posé et pensé en grand intellectuel devant l’Eternel. 
La démonstration est implacable et imparable. 

Zemmour dit n’importe quoi. 

Et 12% des gens sont prêts à voter pour cet escroc de la pensée, ce falsificateur de l’Histoire de France, dont il se prétend pourtant le défenseur. 
Ce "tract" se lit en une heure. 
Et en plus de mettre Zemmour face à ses mensonges et ses délires historiques, il vulgarise l’Histoire, notre Histoire commune (mais visiblement pas celle de Zemmour). Zemmour est, au mieux, un polémiste maniant parfaitement la langue française et, au pire, une caricature masculine de Vivienne Rook, elle-même caricature du degré zéro du populisme dans la série Years and Years

Il n’est pas et n’a jamais été historien. Il n’en a ni la rigueur, ni la méthode, ni le cursus.

Bref, c’est un imposteur. 

Faut-il répondre à Éric Zemmour sur le terrain de l'histoire?
Beaucoup estiment que c'est lui faire trop d'honneur que de discuter ses falsifications et manipulations politiques du passé. 
 Ces arguments sont recevables et, en temps normal, nous aurions préféré traiter ses prises de position par le silence qu'elles méritent.
Mais lorsque le torrent de haine et de violence - verbale ou programmée - qu'il porte (et qui le porte) déferle dans l'espace public au point d'en faire un protagoniste majeur de l'élection présidentielle, prendre la parole apparaît comme une nécessité pour qui fait de l'histoire son métier.
Au fil de ses écrits et de ses nombreuses interventions, Éric Zemmour ne cesse de déformer l'histoire, en attaquant la pratique et la parole des historiens et historiennes ou en taxant les programmes scolaires de "propagande antifrançaise". 
L'inexactitude est érigée en méthode, la mauvaise foi en moteur de la connaissance: l'histoire est convoquée comme une "arme politique" au mépris des travaux et des usages scientifiques. 
J’avoue que quand je suis tombée sur certain de ces chapitres, ma première réaction a été de me dire:

"Nan mais sérieux… Le type n’a pas dit ça ?"

Et puis je me suis souvenue que quand il était chroniqueur chez Ruquier il y a 15 ans, il disait déjà de la merde, et l’auditoire rigolait bêtement, parfois avec de la gêne ou un semblant de perplexité, de ses envolées lyriques… 

Parce que non seulement, il raconte n’importe quoi, mais en plus, ses conneries, il les écrit dans des bouquins qui se vendent puisque chacune des rectifications ci-après répondent directement à ses écrits, citations et sources à l’appui.

  • 502. Clovis n’est pas oublié .
  • 1099. La croisade n’est pas une victoire française.
  • 1240. Saint Louis n’était pas un roi juif.
  • 1359. Le Grand Ferré n’est pas un héros patriote.
  • 1572. Les victimes ne sont pas les bourreaux.
  • 1756. Les nazis ne sont pas les héritiers de Voltaire.
  • 1789. La Révolution française n’est pas un complot.
  • 1793. Il n’y a pas de ténicide vendéen.
  • 1830. Les Français n’ont pas créé l’Algérie.
  • 1894. Dreyfus n’est pas coupable.
  • 1917. Les mutins ne voulaient pas continuer la guerre.
  • 1940. Pétain n’a pas préparé la revanche.
  • 1940. Pétain a bel et bien tué la République.
  • 1942. Vichy n’a pas protégé les juifs français.
  • 1949. Simone de Beauvoir n’est pas Madame Jean-Paul Sartre.
  • 1957. Maurice Audin n’a jamais tué personne.
  • 1961. Le massacre du 17 octobre n’est pas la répression d’une manifestation.
  • 1962. De Gaulle n’a pas donné l’indépendance à l’Algérie.
  • 1997-1998. Maurice Papon n’a pas été victime d’un procès politique. 
Faire mentir le passé pour mieux faire haïr au présent… et ainsi inventer un futur détestable.

CQFD. 

Mais ce n'est pas tout. 
Car en plus d'être un Jean-Michel ÀPeuPrès de l'Histoire, c'est un délinquant multi-condamné pour discrimination à la haine raciale, provocation à la haine religieuse, provocation à la haine raciale, contrefaçon de droits d'auteur, multi-récidiviste et toujours, à l'heure actuelle, multi-accusé d'agressions sexuelles.

16 commentaires

  1. A vous lire, il convient de se demander sur quelle ignorance abyssale et sur qu'elles dissimulations obstinées ces discours prolifèrent. La culture générale des gens instruits (dans beaucoup de médias) est un pot-pourri d'opinions toutes faites, d'auteurs expurgés, d'erreurs consacrées. Les affirmations les plus objectivement scandaleuses sont couvertes d'une indulgence complice. Pas d'indignation, ou si peu. Les Zemmour, Lepen peuvent continuer à cracher leurs sottisiers, pourquoi se gêner quand aussi des philosophes très médiatisés apportent de l'eau à leurs moulins.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai.
      C'est pour ça que ce tract est vraiment une perle.

      Supprimer
  2. Un "tract", donc : le mot dit beaucoup de choses ! Notamment pourquoi tous ces "historiens" s'émeuvent soudain aujourd'hui, en pleine campagne électorale.

    (Je mets des guillemets à "historiens" car je soupçonne ces gens – que vous ne nous nommez pas – d'être majoritairement de simples professeurs d'histoire plutôt que des historiens.)

    D'autre part, certaines des affirmations que vous nous donnez à lire, présentées comme des vérités indiscutables, me semblent, au moins pour certaines d'entre elles, fortement sujettes à caution, en tout cas à discussion.

    Par exemple, le fait que la Révolution française ne serait pas le résultat d'un "complot". Certes, le mot est trop fort, mais enfin, il s'est bien produit quelque chose qui y ressemble fortement, comme l'ont assez bien montré Taine, dans ses Origines de la France contemporaine et plus encore Augustin Cochin dans La Machine révolutionnaire.

    Même chose au sujet de la Vendée : il faut vraiment tout ignorer des travaux d'Émile Gabory (entre quelques autres) sur les guerres de Vendée pour nier les visées nettement "génocidaires" du Comité de salut public.

    Etc.

    Mais, au fond, tout cela est sans importance. Car, en deux petites phrases, vous avez laissé voir ce que vous reprochez vraiment à Zemmour (en dehors du fait qu'il n'est pas dans le camp du Bien…) : « Il n’est pas et n’a jamais été historien. Il n’en a ni la rigueur, ni la méthode, ni le cursus. »

    Voilà : Zemmour n'a pas "la carte" ! Il est donc, en quelque sorte, coupable de lèse-majesté universitaire, si je puis dire, crime que la "corpo" ne pardonne jamais, aujourd'hui comme hier.

    Dernière petite remarque, à caractère un peu taquin : avez-vous conscience, en tentant d'affaiblir Zemmour, de "faire le jeu" de Marine Le Pen ? C'est pas joli-joli, ça, dites donc !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ahahah... Vous êtes formidable et tellement prévisible.

      Ces historiens sans guillemets que je ne nomme pas, sont toutes et tous cités en dernière page de ce tract... Et je vous confirme qu'ils et elles sont parfaitement historiens et historiennes.

      Ah mais que je suis bête, pour en avoir la liste, il vous faudrait soit vous le procurer, soit vous rendre dans une librairie qui le vend... Et tout le monde sait que ça n'arrivera pas.

      Quant au métier d'historien sans guillemets, vous savez parfaitement que ce n'est pas parce qu'on kiffe les livres d'histoire, Stéphane Bern ou Franck Ferrand qu'on est historien.

      Parce que, à ce niveau-là, Lorant Deutsch serait historien et Christian Jacq égyptologue.

      Ahahah. Vous êtes drôle quand même. Vous devriez vous lancer dans le One Man Show.

      Supprimer
    2. Je vois que vous ne répondez rien "sur le fond". Mais peut-être allez-vous me répondre, à propos de la Vendée ou de la Révolution, ce que vous m'avez déjà répondu deux ou trois fois, c'est-à-dire quelque chose comme : « Ah, désolé, ce ne sont pas des périodes que j'ai étudiées ! »

      Pour le reste, il n'est évidemment nul besoin d'être historien "de profession" pour connaître l'histoire : on le peut très bien en lisant les historiens, en étudiant et comparant leurs écrits, etc. De même que l'on peut connaître la philosophie sans avoir pondu une thèse de doctorat, ou la littérature même si on n'enseigne pas Boris Vian ou Marc Lévy à des classes de seconde. Mais ça, évidemment, vous ne l'admettrez jamais : toujours le réflexe "corpo"…

      D'autre part, je suis naturellement allé voir de quoi avait l'air votre opuscule. Franchement : réfuter une vingtaine de points d'histoire, dont certains tout de même assez vastes, en 60 pages au total ? Et se mettre à douze ou quinze pour ça ? Voilà qui sent l'exécution hâtivement torchonnée !

      Enfin, pourquoi aller dépenser de l'argent pour votre tract, puisque, apparemment, on trouve la même chose gratuitement, sous forme de vidéo youtubesque ?

      Supprimer
    3. Je ne réponds rien sur le fond parce que cela reviendrait à vous copier-coller le contenu du tract. Mais bon.

      Ensuite, il y a une différence entre "connaître" l'histoire et être historien.
      Je ne dis rien de plus, rien de moins.

      Perso, je connais la géographie et je ne suis pas géographe.

      Je n'ai donc aucun réflexe corpo comme vous dites. Être historien, ce n'est pas "seulement" lire et connaître l'histoire.

      Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que je dis ou de déformer mes propos, ça se voit.

      Pourquoi dépenser de l'argent pour un tract ? Euh, bah parce que je suis entrée dans une librairie, qu'il était en évidence et que je l'ai acheté.

      Cette question est un peu con con, non ?

      Supprimer
    4. « Cette question est un peu con con, non ? »

      Ce n'est pas impossible, en effet !

      Disons que, "de mon temps", les tracts avaient pour qualité d'être distribués gratuitement… et de ne pas être édité par Gallimard, qui s'occupait alors, et sans doute bêtement, de littérature. (Si, ça, ce n'est pas du mode "vieux con" qui s'assume, alors qu'est-ce que c'est !)

      Supprimer
    5. C’est une collection qui s’appelle « tracts », ça vous a visiblement échappé.

      Supprimer
  3. Notre démocratie souffre de la prolifération de "Jean-Michel ÀPeuPrès". Ce serait risible si ça n'était pas déprimant. Au passage, un grand merci au service public d'avoir ouvert un boulevard à ce sinistre personnage.

    RépondreSupprimer
  4. Mais est-ce ce n'est pas, justement, le travail du "service public" dans une "démocratie" (bientôt, on ne pourra plus écrire sans mettre chaque mot entre guillemets…) que de donner la parole à TOUTES les opinions, y compris, donc, à celles qui nous déplaisent le plus. Ce qui implique que nous soyons suffisamment "adultes" (et hop ! encore des guillemets !) pour entendre sans nous rouler par terre en bavant des choses qui nous choquent, nous indignent, etc.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les opinions, oui, bien sûr.
      Les délits, non.
      Et ces braves gens comme Zemmour, les polémistes et autres chroniqueurs, ne sont pas non plus obligés d’avoir un avis sur tout… sur tous les sujets. Surtout quand ils ne maîtrisent pas les sujets.

      Supprimer
  5. Lu !
    Ce n'est pas sans rappeler la réaction d'autres historiens à la suite d'un discours prononcé il y a 15 ans par le chef de l'Etat alors en poste et truffé de contre-vérités et autres approximations.
    J'ai sous les yeux deux livres parus à l'époque écrits dans les mêmes conditions que cet exemplaire que nous avons sous les yeux.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait.
      Vive le "rôle positif de la colonisation" !

      Supprimer
  6. En complément:
    https://inrer.org/2021/11/renan-zemmour-imposteurs-republique/?fbclid=IwAR0Q-2-EaH5lWXHcryzjslf4LFflGE7B8sJnWibQsCEFiajmyoOSzYOfdpA

    RépondreSupprimer